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en spasmes et en sursauts. Il n’a rien de vivace, rien de fécond, rien de jeune. Cet art est le contraire d’un art nouveau ; et voilà ce qu’on ne saurait trop redire à la jeunesse. Elle se tromperait en prenant pour guide un Verlaine. Elle qui doit regarder vers l’avenir, elle se condamnerait elle-même, en liant sa destinée à celle d’un écrivain dont l’œuvre appartient à un passé déjà lointain et qu’on pouvait croire aboli. Bien loin d’être un commencement, l’art de Verlaine est la dernière convulsion d’une poésie qui se meurt. Cette poésie, ce n’est que le romantisme à bout de sève qui s’exaspère, et poussant ses principes jusqu’aux dernières limites de l’absurdité et de la folie, se donne à lui-même le coup de grâce par une espèce de suicide.

Rien qu’à le voir déambuler par les rues, Verlaine évoquait le souvenir des vieux romantiques, de ceux du temps des bousingots, fiers de porter par la ville un costume qui les faisait remarquer et persuadés que la bizarrerie de l’accoutrement a en elle-même on ne sait quelle vertu secrète. Le savant désordre et la déroute concertée de ce costume n’est qu’une variété du dandysme. Verlaine le sait et l’avoue volontiers. Il n’ignore pas qu’une mise décente lui ferait perdre une bonne part de sa personnalité, et il soigne donc son attitude. « Son visage d’ordinaire ouvert et plutôt gai se fronça, se fronça par degrés, finissant par entrer en complète harmonie avec le costume qu’il portait, quelque chose de gris-de-souris, avec, par endroits, des détails mal élégans, un bouton sauté, quelques effilochages aux boutonnières, des rires jaunes vers les coutures. Son chapeau mou semblait lui-même se conformer à sa triste pensée, inclinant ses bords vagues tout autour de sa tête, espèce d’auréole noire à ce front soucieux. Son chapeau ! Pourtant joyeux à ses heures, lui aussi, et capricieux comme une femme très brune, tantôt rond, naïf, celui d’un enfant de l’Auvergne et de la Savoie, tantôt en cône fendu à la tyrolienne et penché, crâne, sur l’oreille, une autre fois facétieusement terrible, on croirait voir la coiffure de quelque banditto, sens dessus dessous, une aile en bas, une aile en haut, le devant en visière, le derrière en couvre-nuque… Le chapeau, certes, eut son suffrage, les irrégularités des vêtemens aussi, mais ce qui l’étonna le plus ce fut, je le crains, certain foulard de cachemire, nuance de vitrail XIIIe siècle, noué autour du cou avec désinvolture, mais sans la bonne grâce admise. Car le poète est un dandy. » Ces enfantillages servent tout au moins à rendre extérieurement sensible, chez notre contemporain, la survivance du goût romantique. — Les romantiques qui sont tous des bourgeois, quand bien même ils jouent