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demandé à interpeller à ce sujet le gouvernement, en insistant pour que son interpellation vînt avant la loi sur les associations et y servit de préface. M. Waldeck-Rousseau a essayé de s’y opposer, il a été battu. Les radicaux et les socialistes tiennent à agiter les passions antireligieuses avant d’aborder la loi sur les associations : ainsi sera-t-il fait. Nous avouons, toutefois, regretter l’ajournement des lois sociales. A supposer que la loi sur les associations soit jamais votée, il en résultera certainement dans le pays une grande effervescence ; mais, certainement aussi, ni nos ouvriers, ni nos paysans n’en seront plus heureux ; ni notre commerce, ni notre industrie n’en tireront le moindre profit ; et le pays pourra dire que ce n’est pas encore cela qu’on lui avait promis. Le caractère des lois de ce genre est d’être exclusivement politiques, et les lois exclusivement politiques flattent les uns, tandis qu’elles inquiètent les autres, mais ne rapportent à tous que des satisfactions ou des irritations morales. Néanmoins il était devenu difficile de retarder encore la loi sur les associations. M. le président du Conseil, toutes les fois qu’il a été dans ces derniers temps amené à prendre la parole, a présenté cette loi comme la pierre angulaire de tout son système de gouvernement ; et de plus, par un procédé oratoire peu digne de son talent, il a constamment accusé ses adversaires de ne lui faire de l’opposition que pour retarder ou empêcher l’ouverture d’un débat qui leur causait de vives alarmes. Si l’on attaquait, par exemple, l’amnistie, ou si l’on proposait de l’étendre davantage, c’était pour échapper à la loi sur les associations. Si l’on demandait une enquête parlementaire sur certains désordres qui se sont produits en pays lointain, c’était dans le même dessein. Et ainsi du reste : l’argument servait à tout. Aussi s’est-il un peu usé. On n’aurait pas compris qu’aujourd’hui M. le président du Conseil eût reculé devant une discussion qu’il avait si souvent appelée de ses vœux : il l’aurait voulu, qu’il ne l’aurait pas pu.

Nous ne dirons rien des questions multiples que soulève le projet de loi : au surplus, on trouvera, dans une autre partie de la Revue, une étude approfondie sur toutes celles qui se rattachent à l’ordre juridique. Mais comment ne pas parler des manifestations que le Souverain Pontife, après beaucoup de patience, a cru devoir faire pour donner aux pouvoirs publics et à l’opinion un avertissement qu’il jugeait indispensable ? Jamais le langage de Léon XIII n’avait été plus mesuré, mais en même temps plus ferme. On y sent une émotion dont l’effet est d’autant plus puissant qu’il en surveille et qu’il en contient mieux l’expression. Il n’y a pas un mot dont les plus sus-