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les journaux en vue devaient remorquer les autres, grâce à une réduction de prix offerte sur la masse. Des organes anciens, qui conservaient leur notoriété bien qu’ils eussent perdu leurs lecteurs, profitaient de ce système. Il a été abandonné parce que les faiseurs de réclame, jadis peu au courant, sont devenus très perspicaces, renseignés par leurs enquêtes personnelles sur la valeur exacte de la presse, même de la presse provinciale, au point de vue de son « rendement. »

Est-ce parce que ce « rendement » demeure, en France, inférieur à ce qu’il est à l’étranger, que les annonces tiennent dans nos journaux une si petite place, comparativement à celle qu’elles occupent dans les feuilles anglaises, allemandes et américaines ? Et ce faible rendement tient-il au prix élevé de notre publicité ou à l’état d’esprit du lecteur français ? Le Times, le New-York Herald, étant donnée la prodigieuse abondance des matières, perdent sur la vente des sommes considérables qu’ils récupèrent exclusivement par les annonces ; mais aussi, dans tel numéro du Herald qui comprend 64 pages, les annonces en remplissent 30. La ligne s’y vend 2 fr. 25, meilleur marché que chez nous, par rapport aux 350 000 numéros déroulés sur les cylindres, mais bien plus cher si l’on songe à l’énorme quantité des insertions, parmi lesquelles cette ligne est noyée.

L’annonce, qui coûte dans nos grands quotidiens 1 fr. 50 à 3 francs la ligne, vaut seulement 1 franc dans le Standard de Londres ou le Secolo de Milan, 90 centimes dans la Neue Freie Presse de Vienne, 40 centimes dans le Heraldo de Madrid, 50 centimes dans la National Zeitung de Berlin, organes dont les tirages varient entre 250 000 et 30 000 exemplaires. Le chiffre du tirage n’est pas au reste le seul élément, constitutif de la valeur d’une publicité ; la qualité des abonnés y entre pour beaucoup : s’il s’agit de vendre une paire de chevaux ou un hôtel aux Champs-Elysées, on n’aurait guère chance de trouver preneur au moyen d’un journal uniquement accrédité parmi les garçons limonadiers, fussent-ils cent mille.

Mais, riches ou pauvres, les Français tiennent à lire vite : remarquons que nos organes populaires qui surpassent l’un avec un million, l’autre avec 700 000 exemplaires, les chiffres de toutes autres gazettes, dans l’univers, sont, à toutes autres aussi, inférieurs par le format. Si ces feuilles, et celles en général qui jouissent chez nous de la faveur du public, refusent