Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 1.djvu/647

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

France, élevaient, pour atteindre les bas de laine, employer la voie des journaux. Les exigences de ces derniers ont-elles été si grandes, ainsi qu’on l’a prétendu maintes fois, qu’elles aient écrasé le marché et que, pour échapper aux fourches de la presse, les banquiers aient déserté la place de Paris ou tourné la difficulté, en procédant à ces émissions sournoises que l’on nomme des « introductions » de valeurs ?

C’est là une légende dénuée de fondement, accréditée par les désordres du Panama qui, suivant le mot de l’expert Flory, « chantait » pour tout le monde, et par les pratiques du Crédit Foncier où, sous une précédente administration, il était distribué environ un million par an en « publicité. » Remarquons, à ce sujet que des gazettes, depuis plusieurs années défuntes, continuaient à figurer sur les états de répartition, au nom de gens qui émargeaient régulièrement tous les mois, mais qui n’avaient jamais appartenu à aucun journal. D’où l’on peut inférer que les sommes ainsi versées servaient à récompenser d’autres concours que ceux de la presse. Une conséquence de cet abus a été le vent de suspicion qui souffle désormais dans le public, si fort qu’un ministre, il y a peu d’années, refusait de présenter pour les chemins de fer une loi qu’il savait bonne, uniquement pour nôtre pas accusé d’être vendu.

Quant à la presse, à part un ou deux forbans, redoutables dans l’art d’amener les financiers à composition, elle se divise en deux catégories : les bons journaux, dont l’appui est précieux et dont les prétentions ne sont jamais excessives, et les feuilles sans nom, — les « canards », — qui volontiers usent de menaces, mais dont on se débarrasse à bon marché.

Les relations de la haute banque avec les périodiques de Paris et de province sont concentrées, en fait, dans deux agences qui se chargent, moyennant courtage, d’organiser pour chaque affaire nouvelle une publicité suffisante. Celle-ci comprend, outre l’annonce pure et simple des chiffres de la souscription, une mention bienveillante dans le « bulletin de Bourse » capable d’influencer le capitaliste. Cette mention, plus ou moins longue, plus ou moins réitérée, coûte aussi plus ou moins cher ; mais on ne descend pas au-dessous d’un minimum de 30 000 ou 40 000 francs pour la plus petite émission, parce que l’intermédiaire ne peut aborder les quotidiens politiques qu’à la condition de traiter avec tous, sans exception ; chacun admettant que l’affaire ne distribue