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qui projettent des réclames sur les murs de Londres, sans respecter toujours les monumens nationaux ; si bien qu’on vit, pendant plusieurs soirées, le haut de la colonne de Nelson décorée d’une annonce de pilules, que cette méthode y dessinait d’assez loin en caractères éclatans.

Les toits de nos boulevards s’illuminent seulement d’avis commerciaux qui, brusquement, sortent de l’obscurité en traits de feu et y rentrent, pour faire place à d’autres : « Plus de bonne cuisine sans bouillon X : » « lisez demain tel article dans tel journal ; » « N… frères, sardines et conserves. » L’appareil qui inscrit dans les airs ces recommandations successives consiste en un cylindre, mû à bras d’homme, au centre d’une boite carrée, pleine de lampes électriques formant les lettres de l’alphabet. Au fur et à mesure que chaque mot doit paraître, les contacts sont mis en rapport. La phrase de 36 lettres se paie 300 francs par mois et doit étinceler, pendant 15 secondes, cinquante fois par soirée.

A mesure que la réclame guette et harcèle le public par des inventions nouvelles, il en est d’anciennes qu’elle abandonne ou qu’on lui défend. Le préfet de police a, par un arrêté récent, interdit la circulation des voitures-annonces, et le Conseil d’Etat lui a donné raison. Déjà les exhibitions d’affiches, au moyen du voitures à bras ou à des de porteurs ambulans, tombaient en désuétude. L’ « homme-sandwich, » l’ « homme à perche, » marchant d’un pas morne, anéanti, préoccupé de présenter le moins de surface possible au vent, contre lequel il lutte, a presque disparu.

De même ces véhicules légers où se prélassent, dos à dos, deux pancartes roulées processionnellement par de pauvres hères à 20 sous par jour. Encore est-il retenu, sur ce salaire, un sou pour la location du costume qu’on leur prête. La concurrence et l’avilissement des prix ont tué cette publicité, que l’entrepreneur vendait aux cliens, dans le principe, 4 et 5 francs par voiture et qui coûte maintenant 1 fr. 75 : somme insuffisante pour compenser les frais. De malheureux dérisoirement rétribués on ne peut exiger grand’chose ; ils se réfugient dans des rues désertes, — quelques-unes sont connues pour ce stationnement, — se couchent sous leur voiture, mangent un morceau de pain et dorment.

Ce n’est pas un personnel de choix : plusieurs étaient