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Qu’était-ce à dire ? et, quoique cet Adieu fût imité ou paraphrasé du latin de Georges Buchanan, quatre ans avaient-ils donc suffi pour décourager de ses ambitieuses espérances l’auteur encore si jeune de la Défense et Illustration ?


I

Un serait tenté de le croire ; et il est certain que, si Du Bellay n’était l’auteur que de ces trois recueils, son œuvre ne tiendrait assurément pas la place ou le rang qu’elle occupe dans l’histoire de notre poésie. Hâtons-nous seulement d’ajouter que ce ne serait pas une raison de la dédaigner, et la valeur littéraire du Recueil ou de l’Olive fût-elle plus médiocre encore, la signification historique ne laisserait pas d’en avoir son intérêt et son importance.

A la vérité, l’Olive n’est tout entière qu’un recueil de traductions ou d’imitations, et on peut douter aujourd’hui que Du Bellay soit l’ « inventeur » d’un seul de ses sonnets ! L’un des plus beaux, et le plus souvent cité, le 113e :


Si notre vie est moins qu’une journée
En l’éternel…


ne lui appartient même pas[1] ; et des cent quatorze autres, non seulement on connaît aujourd’hui tous ceux qu’il a imités de Pétrarque ou de l’Arioste, mais nous ne craindrions pas d’avancer que, tôt ou tard, on retrouvera, dans quelque recueil italien, ceux dont les originaux nous sont encore inconnus. On aimerait là-dessus que le poète, plus modeste, n’eût pas écrit si fièrement, dans la Préface de cette même Olive : « Si par la lecture des bons livres, je me suis imprimé quelques traits en la fantaisie, qui après, venant à exposer mes petites conceptions, selon les occasions qui m’en sont données, me coulent beaucoup plus facilement en la plume qu’ils ne me reviennent en la mémoire, doit-on pour cette raison les appeler, pièces rapportées ? » L’euphémisme est ingénieux, sans doute, et amusant, de ces traits, « qui lui coulent plus facilement de la plume qu’ils ne lui reviennent eu mémoire. »

  1. C’est ce qu’a montré tout récemment M. Vianey, professeur à l’Université de Montpellier, dans une très intéressante communication qu’il a faite au Congrès d’histoire littéraire comparée au mois de juillet 1900, et qu’on pourra prochainement lire dans le recueil des actes de a congrès.