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peu à me retirer du doux étude poétique. » (Traductions et Inventions, Dédicace à Jean de Morel, Ambrunois.)


il disait vrai, d’ailleurs, en parlant de l’obligation où les événemens l’avaient réduit « de se donner en proie au soin de ses affaires. » La protection ou la faveur même dont l’honorait Mme Marguerite ne l’avait pas tiré de la condition très modeste où il végétait. On ne l’avait couché sur l’état d’aucune maison royale ou princière. Son frère, — le même frère qui jadis l’avait si négligemment élevé, — venait de mourir en lui laissant la charge et la tutelle d’un tout jeune orphelin. La succession était embrouillée. Il s’en suivait des ennuis, des tracas, des procès. La maladie le minait. Son plaisir même diminuait à « retracer les pas des anciens ; » il injuriait jusqu’aux Muses :


Vous trompez, ô mignardes sœurs,
La jeunesse par vos douceurs,
Qui fuit le Palais pour élire,
Les vaines chansons de la lyre.
Vous corrompez les ans de ceux
Qui sous l’ombrage paresseux
Laissent languir efféminée,
La force aux armes destinée.


La plainte prenait un accent plus personnel encore, plus poignant, dans la Complainte du Désespéré ; il y enviait :


…….. La créature
Qui a fait sa sépulture,
Dans le ventre maternel ;


il s’y lamentait de ses infirmités, de ses déceptions, de ses souffrances ; il y songeait même au suicide :


Sus, mon âme, tourne arrière,
Et borne ici la carrière
De tes ingrates douleurs,
Il est temps de faire épreuve,
Si après la mort on trouve
La fin de tant de malheurs.


Mais deux sentimens le soutenaient dans sa détresse : une foi très sincère, — dont on retrouve l’expression dans son Hymne chrétien, dans sa Lyre chrétienne, dans son poème de la Monomachie de Goliath et de David ; — et, ce qui est moins chrétien, je ne sais quel besoin de ne pas mourir « sans vengeance. »


Soit donc ma Lyre un arc turquois,