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disait-il dans les derniers vers de son Adieu aux Muses :


Mon archet devienne un carquois
Et les vers que plus je n’adore
Puissent traits devenir encore !


C’est sur ces entrefaites que son unissant parent, le cardinal Du Bellay, rentré en grâce auprès d’Henri II, et chargé d’une mission en cour de Rome, lui proposait de l’emmener avec lui. Joachim s’empressait d’accepter ; rien ne le retenait en France, pas même une Olive à célébrer encore ; et, comme il suffit de peu de chose pour retourner une âme de poète, jamais la vie ne lui avait paru plus riante qu’en ce jour du mois de mai 1553 où il partit pour la « Ville Eternelle. »


II

Son séjour y dura quatre ans, ou un peu davantage, 1553-1558, qu’il y passa plutôt, semble-t-il, en domestique ou en intendant du cardinal, qu’en « neveu de son oncle. » Il n’y a rien, hélas ! dont nous soyons moins fiers, ordinairement, que de nos parens pauvres, et notre poète eut d’abord moins à se louer du cardinal Du Bellay qu’autrefois Rabelais. Mais il faut convenir aussi que la faute en fut à son caractère. Il était né mélancolique, et la vie ne lui avait guère souri jusqu’alors. Très fier, nous l’avons dit, de sa naissance et de l’illustration de son nom, il ressentait profondément l’humiliation de n’avoir pas de quoi les soutenir. Il se consolait mal d’avoir vu son rêve de gloire s’évanouir si vite en fumée. Mais surtout, il était changeant de sa nature, versatile, capricieux, fantasque, prompt à se dégoûter des hommes ou des choses ; et la mobilité de ses sentimens n’était peut-être égalée que par la sincérité avec laquelle il s’y abandonnait tour à tour. Avec la même franchise qu’il avait, dans sa Défense, attaqué les « poètes courtisans, » il s’était lui-même fait l’un d’eux, dans un recueil qui n’est que Prosphoneumatiques, Odes à la Reyne, au cardinal Du Bellay, à la comtesse de Tonnerre, à M. de Boisdauphin, maître d’hôtel du roy ; et, d’avoir composé presque religieusement son Olive, sous l’inspiration de Pétrarque, cela ne l’avait pas empêché d’écrire toute une pièce, et l’une de ses meilleures : Contre les Pétrarquistes. Pareillement encore, dans sa Lyre chrétienne, dieux et déesses de l’antique Olympe, après les avoir tant