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J’ai oublié l’art de pétrarquiser
Je veux d’amour franchement deviser
Sans vous flatter et sans me déguiser…


avait déjà paru depuis cinq ans alors, et elle est un peu longue. On en peut dire autant de l’Epitaphe du petit chat Belaud. Et généralement, si nous n’avions appris à connaître le caractère changeant et mobile de Du Bellay, le ton d’enjouement et de liberté qui règne dans ce recueil serait pour nous faire douter de la sincérité de ses Regrets. Puisqu’il avait le loisir de rimer en plus de deux cents vers les qualités


Du plus bel œuvre que Nature
Fit onc en matière de chats ;


et d’aimer si passionnément sa Faustine… en latin, ni ses ennuis n’étaient donc si cruels, ni ses regrets si poignans, ni le désespoir sur lequel nous nous sommes apitoyés si profond ! Mais ce serait le juger trop pédantesquement ; et il suffit que les Jeux Rustiques n’ajoutent rien à sa gloire pour que nous puissions dire qu’ils ne feraient pas sensiblement défaut à la connaissance de son personnage, si nous avions omis de les signaler.

Il nous intéresserait davantage de savoir comment les Regrets furent accueillis. Mais nous l’ignorons, et puisque nous l’ignorons, c’est sans doute que l’originalité n’en fut pas appréciée des contemporains. En revanche, nous savons qu’ils valurent un malheureux Du Bellay sa dernière disgrâce. Un lit parvenir au cardinal, à Borne, où il était alors le doyen du Sacré-Collège, un exemplaire des Regrets, et naturellement, si libre d’esprit qu’il pût être, le cardinal en fut scandalisé. Que l’un de ses parens et de ses domestiques ne le récompensât de sa sollicitude que par des plaintes, et des plaintes presque satiriques, il eût eu déjà quelque droit d’en être offensé. Mais qu’un homme qui portait son nom, le nom connu des Du Bellay, se, fût permis, lui vivant à Borne, d’écrire et de publier des vers comme ceux-ci :


… celui qui de plein jour,
Aux cardinaux en cappe a vu faire l’amour,
C’est celui seul, Morel, qui peut juger de Rome ;


il estima que c’était passer la mesure ; et, dans ses lettres à ses amis de France, il s’en expliqua sévèrement. Joachim essaya de se disculper, dans une longue lettre que nous avons, et dont les faux fuyans lui font moins d’honneur que l’on ne voudrait. Il