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secours aux grands États qui rassemblaient leurs membres épars. Chacun sait comment nous avons aidé l’Italie à constituer un royaume prédit par son Dante Alighieri ; comment l’Allemagne a cimenté dans notre sang un empire qui se réclame gravement, passionnément, des soldats d’Arminius et de la mythologie héroïque des Niebelungen.


II

Le siècle des nationalités, disions-nous. Nul n’y contredira, et l’histoire lui gardera ce nom. Il fut pourtant, et au même degré, le siècle du cosmopolitisme.

Un courant contraire, non moins irrésistible que l’autre, précipite malgré tout la fusion de ces peuples réfractaires. Tout conspire à les mêler sur la surface aplanie de notre globe. Il semble vraiment que le genre humain soit soumis de nos jours à de colossales expériences chimiques. Tandis que certaines sciences opéraient comme des réactifs sur les races qu’elles isolaient, la plupart des autres sciences créaient de puissans agens de recomposition : chacune de leurs découvertes hâtait la combinaison des élémens dissociés. Applications industrielles de ces découvertes, rapidité croissante des communications, transmission instantanée de la pensée, diffusion de toutes les idées par le formidable pouvoir de la presse, développement du sens critique, de l’esprit compréhensif et sceptique qu’il généralise, expansion commerciale et coloniale, internationalisme des intérêts capitalistes et des revendications ouvrières, nivellement d’un monde uniformisé par l’habit, les coutumes, les plaisirs, les méthodes de travail, — on n’en finirait pas d’énumérer les causes, présentes à toutes les mémoires, qui font de nos capitales des centres de plus en plus cosmopolites.

Hier encore, nous contemplions l’image du monde actuel dans le microcosme de la dernière Exposition : les maisons de tout pays fraternellement accotées, la foule où se coudoyaient devant ces maisons les représentais de toutes les races, la confusion de toutes les langues dans cette Babel, n’était-ce pas l’apothéose du cosmopolitisme triomphant ? Ceux qui ont le goût des rapprochemens historiques se sont dit que telle devait être la physionomie de Kome ou d’Alexandrie, à la veille de la désagrégation de l’ancien monde. Mais la Cosmopolis antique, où les