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L’ENCYCLOPÉDIE.

libre arbitre humain, ils ont fait abstraction, en quelque sorte, du « droit de punir » et n’ont considéré que le droit, pour la société, de légitime défense. Ils ont dit à peu près ceci : « Comme nous ne savons pas au juste dans quelle mesure le criminel fut libre ou ne le fut pas de ne point être criminel, nous prions l’État de ne se point faire juge de l’acte, mais du danger que représentent pour la société l’acte et celui qui l’a commis. De cette façon, la société reste armée tout autant ; seulement elle ne se met plus en colère, ce qui est essentiel en justice pénale. Elle ne hait pas le criminel. Elle ne poursuit plus une vengeance. Elle est en face du criminel comme en face d’un incendie, d’une inondation ou d’un « chien enragé » (mot de Voltaire). Elle lui oppose une digue, c’est-à-dire qu’elle le met en prison ou en déportation ou en exil. Elle le tue, si elle ne peut pas faire autrement. Mais elle ne le fait jamais souffrir inutilement et pour le plaisir de faire souffrir un être qu’on hait. Donc plus de tortures, plus de raffinemens dans les supplices. Il faut proportionner la peine, non à la culpabilité, mais au danger que le crime fait courir à la communauté et au préjudice à elle causé. Il est possible que le crime de sacrilège soit le plus grand de tous. Mais, comme danger à l’endroit de la société, il n’est qu’un délit très léger. Que Dieu juge du crime et nous du préjudice. Il est possible que le vol domestique soit moins criminel que le vol simple ; car la tentation est plus grande, et la facilité et l’occasion ; mais, sans le punir de mort, comme vous faites, ce qui n’est pas proportionné au préjudice, nous accordons qu’il doit être plus puni que le vol simple, parce que le danger pour la communauté est plus grand. En somme, dans quelle mesure convient-il de punir, nous n’en savons rien ; dans quelle mesure faut-il se protéger et se défendre, nous le savons. C’est ce principe qui doit nous guider. »

Et c’est ainsi que les Encyclopédistes ont été amenés à poser cet axiome excellent : « Le principal et le dernier but des peines est la sûreté de la société. Toutes les fins particulières des peines, prévenir, corriger, intimider, doivent toujours être subordonnées et rapportées à la fin principale et dernière, qui est la sûreté publique. »

Leur seconde idée générale à ce sujet est que la société doit poursuivre l’amendement du coupable avant et après le crime commis. L’amendement préalable, c’est l’éducation ; l’amendement