Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 1.djvu/825

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
819
L’ENCYCLOPÉDIE.

occupées par les philosophes. » Leur chinoiserie ou leur chinoisisme, si étalé et dont on n’a pas eu tort de se moquer, tient en partie à cela : « Ils sont ravis, dit Tocqueville, à la vue de ce pays dont le souverain est absolu, mais exempt de préjugés, où toutes les places sont obtenues dans des concours littéraires ; qui n’a pour religion qu’une philosophie et pour aristocratie que des lettrés. »

Pour autoritaires et despotistes ils le sont absolument. Ils n’ont l’idée ni de la liberté de la presse, ni de la liberté parlementaire, ni d’aucun frein, ni d’aucune limite à imposer à l’autorité royale. Ils sont si peu partisans de la liberté de la Presse qu’ils ne cessent de réclamer les rigueurs de l’autorité contre leurs adversaires, et qu’ils sont ravis quand on les choisit eux-mêmes comme censeurs, et qu’ils s’acquittent en toute sévérité de ces missions. Ils sont implacablement hostiles aux Parlemens, qui ont toutes sortes de défauts, mais qui représentent seuls, depuis un siècle et plus, l’esprit de résistance à l’omnipotence royale. Il n’y a pas un mot de « liberté politique » dans l’article Liberté de l’Encyclopédie, lequel est de Diderot, ou, pour être littéral, il y en a un, transcription de Montesquieu, mais sans aucun commentaire, et jeté là, après des considérations sur le sens attaché au mot liberté dans les différens peuples, avec la plus parfaite négligence : « Il n’y a point de liberté dans les États où la puissance législative et la puissance exécutrice sont dans la même main, ni à plus forte raison dans ceux où la puissance de juger est réunie à la législatrice et à l’exécutrice. » Et l’article, qui semblait commencer, est fini.

Du reste, les professions de foi despotistes abondent dans les écrits des Encyclopédistes. Diderot : « Ce serait un vice dans un gouvernement qu’un pouvoir trop limité dans le souverain. » D’Alembert : « La liberté est un bien qui n’est pas fait pour le peuple ; car le peuple est un enfant qui tombe et se brise dès qu’on le laisse marcher seul et qui ne se relève que pour battre sa gouvernante. » Diderot : « Personne ne respecte plus que moi l’autorité des lois publiées contre les auteurs dangereux. » Et l’auteur dangereux qui est visé ici est Pascal. Diderot : « Le législateur donnera le gouvernement d’un seul aux États d’une certaine étendue. » Diderot : « Une doctrine si énorme ne doit pas être discutée dans l’école, mais punie par les magistrats. » Et il s’agit de la doctrine de Spinoza. Diderot : « Il faut défendre