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exclusivement le principe religieux, et s’y attacher avec d’autant plus de force que les intérêts temporels demeureraient en dehors.

« Les hommes qui forment ce groupe applaudissent hautement au langage profondément chrétien de l’Encyclique, en dégagent toute la partie doctrinale, et y adhèrent avec fermeté et conviction. C’est surtout en Piémont et en Toscane que ce parti se recrute et gagne des adhérons. Ils voudraient aller aux élections, mais sans engagement préalable, se réservant, s’ils entraient dans les Chambres, d’y soutenir toutes les mesures favorables à l’Église, mais sans faire d’opposition au gouvernement italien. Pour le moment, ils ont pleinement adhéré à toute la partie doctrinale de l’Encyclique, ainsi que le démontrent les articles du Risorgimento et de la Perseveranza.

« Enfin, une des causes du succès de l’Encyclique en Italie, que personne ne conteste, c’est qu’elle révèle une force indiscutable avec laquelle on n’aime pas à se trouver en désaccord, dans un pays où une autorité réelle, moine purement doctrinale, a toujours du prestige. En général, les Italiens croient au succès du pontificat de Léon XIII, de même qu’ils étaient persuadés du malheur nécessaire, de la jettatura, pour me servir d’une de leurs expressions favorites, de celui du pape Pie IX. L’Encyclique paraît leur révéler un maître. Ils ne l’aiment pas tous, mais ils le craignent et, par suite, ils le respectent davantage.

« D’ailleurs, ces grandes allures de langage donnent satisfaction à leur amour de la forme, qui se complaît aussi bien dans ces belles périodes que dans les œuvres d’art où ils excellent. De même qu’ils aimaient leurs cérémonies d’autrefois, éclairées par leur brillant soleil sur la place de Saint-Pierre, de même ils se plaisent à voir l’un d’entre eux porter la tiare avec majesté, alors même qu’ils obéissent à un autre. C’est un trop noble patrimoine, c’est une force européenne trop bien constatée, pour que tout ce qui n’est pas sectaire ne cherche pas à les conserver à l’Italie. Il n’y a pas à Rome, par exemple, dans les rues les plus fréquentées, un marchand d’estampes ou de gravures chez lequel, à côté de l’image du Roi et de la charmante reine Marguerite, ne se trouve celle du Pape. Cette dernière même est plus souvent exposée que l’autre, à la différence de ce que j’ai vu lors de mes précédens passages à Rome. Léon XIII est évidemment, aujourd’hui, si je puis me servir de cette expression, la grande figure du jour en Italie, et sa première Encyclique lui adressé un