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tous les autres. 300 000 Suédois (16 pour 100 de la population) professent l’abstinence totale.

Ces réformes radicales ne sont guère préconisées qu’au nord de l’Europe, où la vigne ne croît pas ; ailleurs, on se borne souvent à former des ligues pour l’usage modéré de l’alcool, mais partout les lois du pays devraient leur prêter secours. En Angleterre, au contraire, la loi semble plutôt favoriser l’intempérance. On ne pourra rien contre le trafic des liqueurs tant qu’il s’associera à la politique. Il faudrait veiller aussi à ce que, pour le peuple, le seul plaisir accessible ne fût pas de boire.

À ce propos, lady Battersea parle d’une façon brillante et persuasive de la morale des amusemens. Elle montre l’envers du faux puritanisme d’où résulte l’ennui, un mauvais conseiller qui souvent pousse au mal. Tout en faisant l’éloge des sports qui produisent le courage, l’énergie, la camaraderie, l’amour de la campagne et la santé, elle en blâme l’abus et les déclare immoraux dès qu’ils deviennent l’occupation principale de la vie. Cette Anglaise ose attaquer le grand divertissement, national, les courses, et le jeu dont celles-ci sont le prétexte ; en revanche, elle fait l’éloge de la bicyclette qui, prise à doses modérées, contribue à l’émancipation raisonnable de la femme.

Des sujets futiles en apparence, comme la toilette dans ses relations avec la vie animale, sont supérieurement traités. C’est la duchesse de Portland qui préside la séance où se plaide la cause des oiseaux. Cette question n’est pas purement sentimentale ; elle est économique aussi, elle intéresse les céréales. Les fantaisies des marchandes de modes condamnent trente-cinq millions de petits oiseaux à être importés chaque année en Angleterre, sans parler des autres pays de l’Europe. L’amour de la toilette menace donc des races entières d’une extinction totale ou partielle. Certain récit de la chasse à l’aigrette, si barbare, suffirait pour que toutes les femmes se défendissent de porter jamais cet ornement. Il est temps qu’elles apprennent que les animaux ne sont pas des choses, de simples automates, faites pour servir de proie ou d’amusement aux hommes, mais de vraies personnalités qui, depuis des siècles, rendent à l’espèce humaine des services que seuls les ignorans méconnaissent.