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peine d’une très forte amende. Et il n’y a pas là autant d’exagération qu’on pourrait le croire ; le danger a été signalé chez nous à Lyon, où beaucoup de tisseurs travaillent chez eux.

Ce n’est plus guère que dans les campagnes que l’habile artisan peut, comme autrefois, créer à lui seul une œuvre complète, dans laquelle il prend une joie d’artiste. En Hongrie, par exemple, les femmes ou filles de fermiers et le fermier lui-même achèvent pendant l’hiver une foule d’ouvrages se rattachant à un art populaire d’origine asiatique, qui a ses traditions et ses symboles : poterie, tissus textiles, vannerie, objets en bois et en étain. Le gouvernement s’intéresse à cette fabrication et lui procure des débouchés. En Suède, les arts transmis par les aïeux, la broderie, le tissage de la toile et de la laine, sont pratiqués de même dans les campagnes, les paysannes ayant un goût inné ou transmis pour le dessin et des recettes pour la teinture. Une société de dames protège ce qu’on appelle le sloyd à domicile. Cette société, comme celle à laquelle appartiennent en Russie Mmes Polénova, Davydova et autres artistes, a recueilli toutes les manifestations esthétiques de la Suède primitive et fondé une école où peuvent se perfectionner les ouvrières. Les associations agricoles encouragent ces études nationales, de fortes sommes sont consacrées à leur propagation. Il en est de même pour l’association des industries irlandaises sous l’intelligent patronage d’un groupe de femmes du monde qui font vendre dans les grandes villes d’Angleterre les charmantes étoffes ourdies par de pauvres paysannes.

L’avenir se dessine donc ainsi : dans les campagnes l’encouragement d’industries à domicile, mais dans les villes l’atelier coopératif bien installé, hors des logemens exigus et insalubres, ou même, faute de cet atelier, la fabrique, avec des heures de travail sagement réglementées et quelques précautions hygiéniques auxquelles veilleront des inspectrices. Rien de plus. Les ouvrières sont généralement ennemies d’une législation qui menacerait leur liberté, à moins que la même protection ne s’étendit aux hommes, comme c’est le cas en Suède et en Finlande. La division du travail se produit alors selon les qualités particulières à chaque sexe. Quant aux métiers meurtriers, ils doivent, si aucune précaution ne peut conjurer le danger, être interdits également à tous. Tôt ou tard, en effet, les lois appliquées d’abord à l’enfant, puis à la femme, concerneront les adultes du sexe