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dès 1818, inaugurent avec succès la cuisine coopérative. Elles empêchent l’ouvrier pauvre de tomber au rang de mendiant, procurent à bas prix une nourriture saine et combattent les habitudes d’ivrognerie. Leur succès est considérable, tant au point de vue philanthropique qu’au point de vue financier. Il faut dire que des inspectrices absolument désintéressées surveillent de près ces cuisines, que le service du comité est gratuit, que la charité féminine la plus active, en un mot, a posé les bases de cette entreprise, qui n’a cependant rien de commun avec l’aumône.

Mais, si la cuisine coopérative rend de grands services aux classes nécessiteuses, nous ne croyons pas que, de longtemps, elle se fasse accepter par les classes aisées. Celles des déléguées au Congrès international qui ont insisté pour que l’éducation des jeunes filles les préparât à une crise domestique imminente et pour que le ménage prît une partie du temps qu’on retirera, s’il le faut, à la bicyclette, paraissent avoir touché le point le plus pratique de la question.


Cuisine à part, le système coopératif serait le moyen efficace et pacifique de résoudre ce gros problème du travail. Un de ses avantages est d’assurer aux femmes le même salaire, les mêmes privilèges qu’aux hommes. La coopération est le mouvement démocratique par excellence ; par lui, l’esprit public peut être éveillé chez les hommes et chez les femmes, faisant d’eux tous de meilleurs citoyens ; il élève le niveau de la vie ; jamais les réformateurs et les théoriciens ne produiront rien qui soit l’équivalent de cet effort du peuple pour le peuple.

Notons que l’individualisme n’a pas de place dans la coopération ; elle enseigne que la vie des êtres humains est tellement entremêlée que nul ne peut rien faire de bien ou de mal sans nuire aux autres ou les servir. Les femmes ont gagné beaucoup à ce mouvement. Il leur a enseigné à s’intéresser aux choses publiques, quelles croyaient jusque-là être le partage exclusif de l’homme, et celui-ci s’est habitué à voir la femme s’associer à des idées qu’il la jugeait incapable de comprendre. Les diverses sociétés coopératives comptent, en Angleterre, 1 800 000 membres ; une guilde coopérative féminine a 262 branches où figurent 12 560 femmes. Son but est l’étude de toutes les questions touchant aux problèmes sociaux du jour et aux sujets domestiques