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de vaillance et d’exploits, dans d’émouvantes alternatives de défaites et de victoires. Que sont à côté de ces drames grandioses les soulèvemens du Midi ? Dédaignés on ignorés, il n’en est guère question que dans les débats des assemblées ou dans les rapports envoyés aux comités et au Directoire. C’est à peine si les historiens de ces temps y font allusion.

Il faut cependant reconnaître qu’ils ont quelque droit à être tirés de l’oubli, lorsque, par exemple, on y découvre la main des émigrés, dont ils complètent l’histoire, ou lorsque, de l’étude qu’on en peut faire, résulte la preuve qu’ils constituent avec la prétendue trahison de Pichegru, dont nous reparlerons dans la suite de ces récits, une des causes qu’invoquera le Directoire pour justifier le coup de force du 18 fructidor.

Telle est la conclusion qui se dégagera, croyons-nous, de la lecture des pages qui suivent, tableau rapide et à grands traits de ces sanglantes aventures et de leur dénouement.


I

Au lendemain de la journée du 9 thermidor, la France entière, délivrée du joug de la Terreur, s’était soulevée sous la poussée d’un besoin de protestation et de représailles, d’autant plus impérieux qu’il avait été plus longtemps et plus durement contenu. Aux innocens morts sur l’échafaud, aux combattans tombés sous les balles républicaines survivaient des parens et des amis avides de voir les assassins expier leurs longs forfaits. Contre ces assassins, de toutes parts, on demandait des lois.

Au sein des contrées qui s’étendent des Pyrénées aux Alpes, dans la vallée du Rhône, sur les rives du Tarn et du Lot, dans le massif montagneux de la Haute-Loire et des Cévennes, dans ces pays de soleil, où les têtes sont si promptes à s’échanger et les passions à se manifester en de terribles colères, c’était pis encore. Là, ou ne considérait pas que les lois pussent suffire à rendre les châtimens dignes des forfaits. A Lyon, à Marseille, à Nîmes, au Puy, à Tarascon, à Aix, les terrorisés de la veille prenaient les armes, couraient sus aux terroristes que la chute de Robespierre venait de désarmer, ne voulant laisser à personne le soin de venger le sang innocent, excitant leur cruauté aux souvenirs des arrêts iniques du tribunal d’Orange, des exécutions de Mende, de l’implacable rigueur des Conventionnels qui