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condamnée à végéter dans les rangs les plus humides de l’humanité, et l’on conçoit que les Américains en parlent avec quelque sympathie.

À ce peuple vraiment digne d’intérêt, quel était le régime administratif appliqué par l’Espagne ? Jamais peut-être l’expression de « colonie d’exploitation » n’a mieux été appropriée, dans un sens, il est vrai, qui n’est pas précisément celui où le prennent communément les économistes : tout, dans le système espagnol, était conçu pour assurer une centralisation outrancière et drainer les ressources financières du pays au profit des fonctionnaires, civils ou militaires, de la métropole ; rien, même dans l’organisation municipale, n’y permettait aux Philippins de se régir eux-mêmes, ou seulement de se préparer à le faire quelque jour.

Dans la commune, de rares électeurs, — anciens fonctionnaires ou gros propriétaires, payant au moins 250 francs d’impôt foncier, — désignaient douze délégués, qui formaient une sorte de conseil communal, et qui choisissaient une municipalité. De cinq membres. Cette municipalité était placée sous l’autorité du gouverneur général, qui pouvait lui imposer des pénalités pécuniaires, la suspendre ou la révoquer. Elle était chargée du recouvrement des impôts et des dépenses locales, sous la tutelle du conseil provincial. Ce dernier conseil était purement consultatif : il se composait de cinq fonctionnaires et de quatre représentans des municipalités ; malgré son nom, il n’avait rien à voir dans l’administration de la province ; sa mission se bornait uniquement à surveiller étroitement la gestion communale. Dans la capitale des Philippines siégeait le gouverneur général, qui était lui-même sous l’autorité du ministre d’Outre-Mer, à Madrid. À côté du ministre, un conseil consultatif des Philippines, presque exclusivement composé de fonctionnaires en activité ou en retraite ; à côté du gouverneur général, un conseil d’administration, également consultatif, et formé des chefs des services civils et militaires, auxquels se joignaient six délégués des conseils provinciaux. Ainsi, un électoral municipal singulièrement étroit, puisque les capacitaires mêmes n’y étaient pas admis ; à tous les degrés, la prépondérance assurée à la bureaucratie, puisque nulle part les assemblées n’avaient de pouvoir délibérant ; voilà pour l’aspect purement administratif des choses. Joignez-y un dernier trait caractéristique : à tous les degrés aussi,