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tous les particuliers et établissemens publics ou privés, laïques ou ecclésiastiques, la paisible jouissance de leurs propriétés de toutes natures. Ce texte, concluent les enquêteurs, n’empêche ni la vérification, des titres de propriété par les tribunaux, ni l’exclusion des personnes interposées pour abriter des détenteurs incapables ; il n’interdit pas non plus à l’Etat « d’acheter à un taux convenable certains biens fonds, et de les revendre aux indigènes par petits lots, à des conditions raisonnables. » Mais croit-on que les indigènes, fort excités sur la liquidation sociale de la mainmorte, se contenteront d’une procédure aussi lente, et qu’ils accepteront de payer fies indemnités d’expropriation dont les Etats-Unis ne consentiront certainement, pas à solder la note ? Le doute est au moins permis.

« Une complète séparation de l’Eglise et de l’Etat doit être inaugurée aux Philippines comme dans tous les territoires placés sous l’autorité américaine, dit la Commission pour se résumer. La profession de prêtre ou d’ecclésiastique ne doit conférer aucun droit particulier d’occuper un emploi civil. » Ces principes sont merveilleux en doctrine ; ils sont même d’une application relativement aisée dans les terres vierges, où aucun système contraire ne prévalait auparavant. Aux Philippines, il s’agit de détruire un édifice ancien, de heurter des intérêts acquis, de satisfaire à des aspirations matérielles très fortement en éveil. Tout le problème gît dans les mesures transitoires qui faciliteront l’évolution ou conduiront le pays à une révolution. Or, c’est précisément sur ces mesures que la Commission est muette, ou à peu près : elle ignore et l’acuité de ce différend, à la fois politique, religieux et social, et les remèdes qui ont été employés ailleurs pour obvier à des situations analogues ; elle ne trouvera rien dans les précédens américains pour la tirer de peine, parce que l’Amérique du Nord n’a connu rien de semblable.


V

Plusieurs mois se sont écoulés depuis que la Commission d’enquête a arrêté et publié ses conclusions. Ni la pacification, ni le règlement de la question religieuse n’a fait aucun progrès : les brillantes perspectives économiques ouvertes par le rapport n’ont séduit aucun indigène, et le commandant en chef des forces américaines, le général Mac-Arthur, constatait récemment dans