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force lui a été de reconnaître qu’il se trompait, et d’admettre l’origine allemande du peintre brugeois.


C’est précisément M. Weale qui nous offre aujourd’hui le résumé de ses travaux sur Memling, dans un petit livre qui est un modèle de critique consciencieuse et savante[1]. Après nous avoir exposé les quelques faits historiques que j’ai dits, — faits qui, pour la plupart, nous seraient encore inconnus, si lui-même n’avait pris la peine de les découvrir. — il étudie tour à tour, dans l’ordre de leurs dates, les diverses peintures authentiques du maître. Ces peintures sont en nombre assez restreint, à peine vingt-cinq : et notre Louvre est, avec l’hôpital de Bruges, le musée au monde qui en possède le plus. De celles-là et de toutes les autres, M. Weale nous décrit les sujets et nous raconte l’histoire, plaçant toujours en regard de son texte d’excellentes images qui achèvent de nous faire connaître, année par année, le progrès du talent de Memling et de sa manière. Mais plus intéressans encore peut-être, et à coup sûr plus utiles, sont les chapitres suivans, où l’érudit anglais passe en revue les principales peintures qu’on s’est récemment avisé d’attribuer à Memling, dans mainte collection publique ou privée.

Car deux grandes écoles se sont produites depuis un demi-siècle dans la critique d’art, qu’on pourrait appeler l’école italienne et l’école allemande, la première ayant eu d’abord pour représentant l’Italien Morelli, tandis que l’autre a été inaugurée surtout par M. Bode, l’éminent directeur du Musée de Berlin. Et de ces deux écoles l’une, l’italienne, s’efforce volontiers de « désattribuer » aux grands maîtres quelques-unes des œuvres qui, depuis des siècles, ont porté leur nom : c’est elle qui, par exemple, réduit presque à l’État de mythe le Vénitien Giorgione, à force de le déposséder de tout ce que les anciens auteurs ont admiré sous son nom : c’est elle qui partage entre Beltraffio, Ambrogio de Prédis et Cesare de Sesto les peintures même les plus fameuses de Léonard de Vinci, ne laissant presque à celui-ci que le génial fatras de ses manuscrits. Mais au contraire l’école allemande, pour ainsi parler, a pour occupation favorite de « prêter aux riches. » Dans des œuvres que personne durant des

  1. Ce volume fait partie d’une très intéressante collection de monographies artistiques, qui parait depuis quelque temps à Londres sous la direction de M. Williamson, et qui, au point de vue du plan général comme à celui de la sûreté de ses renseignemens, dépasse de beaucoup toutes les collections analogues publiées jusqu’ici en France ou en Allemagne.