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L’exemple de l’Amérique est en effet de nature à justifier toutes les espérances les plus hardies. Lorsqu’en 1848 les femmes y prirent la parole dans la fameuse conférence de Seneca Falls, la foule les traita d’insensées ; du liant de la chaire, les prédicateurs tonnèrent contre elles ; et pourtant, aujourd’hui, dans vingt-cinq États les femmes ont voix délibérative aux conseils de l’instruction publique ; dans quatre, aux conseils locaux ; dans un État, elles ont le suffrage municipal, et dans plusieurs, un vote en matière d’impôts ; dans quatre États enfin, elles ont le suffrage complet.

Rien de tout cela n’a provoqué de tremblement de terre ni troublé la paix de la famille. Pourquoi n’en serait-il pas de même dans le reste du monde ?

Parce que tous les pays du monde ne se ressemblent pas entre eux ; parce que les lois doivent suivre les mœurs. Dans la Nouvelle-Zélande, les électeurs en jupes ne font pas plus mal leur métier que les électeurs barbus, soit. Reste à savoir si la France, l’Allemagne et l’Italie sont organisées sur le patron de la Nouvelle-Zélande. L’Angleterre elle-même ne se croit pas obligée d’imiter ses colonies australiennes, bien que leur population blanche ressemble beaucoup à celle de la mère patrie ; non, elle est placée dans des conditions différentes et en tient compte. L’Angleterre, cependant, accorde aux femmes le droit de voler sur le même pied que les hommes dans les conseils de paroisse, sortis, au point de vue séculier, des anciens conseils de fabrique, dans les conseils de districts, les conseils scolaires, etc. Et non seulement les femmes votent, mais elles peuvent être candidates à l’occasion et même présider. En Écosse, elles ont cinq voix dans les conseils municipaux et une voix dans le conseil de l’instruction publique. Mais tout cela est un héritage de l’antique loi commune, si profondément anglo-saxonne ; tout cela, tient au passé par des racines solides ; et il ne semble pas que ces droits soient près de s’accroître.

En Amérique même, il ne faudrait pas croire que le scrutin fût réellement réclamé, par la majorité des femmes. La preuve, c’est qu’au Congrès international de Londres, au milieu d’une très vive désapprobation, il est vrai, lecture a été donnée de la protestation du parti anti-suffragiste. Cette protestation venait des États-Unis mêmes ; depuis 1895, nue majorité, silencieuse jusque-là, a jugé bon de manifester contre le groupe très