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effectivement mis à même d’agir sur la Nahe, mais un peu trop tard. Ce mouvement aurait dû s’exécuter très promptement, comme je le demandai sitôt que j’ai appris que les lignes de Mayence avaient été forcées et, s’il avait eu lieu pendant que j’étais sur la Pfrimm, bien sûrement, l’ennemi aurait été obligé de rentrer dans Mayence. Mais, comme le général Jourdan n’a commencé à agir que depuis que je suis ici dans les lignes de la Quiech et que le reste de l’armée de Wurmser est venu, après la prise de Mannheim, se joindre à celle de Clairfayt, que cette réunion fait une force de 80 000 hommes environ, qui est supérieure à la nôtre, nous parviendrons, je crois, difficilement à les déloger du Palatinat. Ces deux armées ont d’ailleurs un bien grand avantage sur nous, c’est qu’étant réunies, elles peuvent correspondre aussi fréquemment et aussi promptement qu’elles le veulent et se passer rapidement des renforts pour nous battre alternativement. Il nous faut à nous quatre à cinq jours pour avoir des nouvelles l’un de l’autre par le long détour que nous sommes obligés de faire. »

Nonobstant ces conditions d’infériorité, Pichegru, — et ceci constitue une preuve nouvelle de sa loyauté, — ne désarmait pas. Mannheim avait capitulé le 21 novembre. Dès le 5 décembre, à la faveur des quelques secours qu’il avait reçus de Jourdan, il reprenait l’offensive, malgré le mauvais temps qui durait depuis quinze jours, cherchant à se rapprocher de l’armée de Sambre-et-Meuse et à contraindre l’ennemi à repasser le Rhin. Il lui faisait, en trois journées de combats, quelques centaines de prisonniers, le délogeait des Deux-Ponts et de Hombourg, s’y établissait lui-même et ne cessait de le harceler, tandis que, par son ordre, le général Férino entrait dans Landau. Le 19 décembre, Bacher, l’agent de Bâle que l’inventif Fauche-Borel nous représente comme soupçonnant déjà Pichegru, mandait à Paris « qu’on se réunit pour rendre cette justice au général Pichegru qu’il s’est montré digne de sa réputation, en arrêtant non seulement par des dispositions savantes un ennemi fort supérieur, mais en reprenant même momentanément l’offensive. »

Où y a-t-il place, en tout cela, nous le demandons, pour une accusation de trahison ? Toute la conduite militaire de Pichegru ne dément-elle pas ce que raconte Fauche-Borel des prétendues négociations avec les Autrichiens auxquelles se serait prêté le général ? Il importe peu qu’à cette même date, Fauche-Borel, pour