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contente pas de nous montrer une âme, la pauvre âme affectueuse et plaintive d’un comédien de grand chemin : c’est le grand chemin aussi qu’elle nous fait voir ; aux accens de la mélodie qui sourit et qui pleure, aux sons de je ne sais quelle marche à la fois piteuse et triomphale, c’est toute la troupe qui passe, c’est

… un essaim chantant d’histrions en voyage
Dont le groupe décroît derrière le coteau.

Il est bien entendu, n’est-ce pas, que le triomphe de l’opéra symphonique rend désormais toute protestation ou seulement toute réserve inutile. « Qui que tu sois, voici ton maître. » C’est de l’orchestre qu’on peut ainsi parler à nos jeunes musiciens. Par la faute, ou le fait, d’un grand homme, la symphonie règne au théâtre, en attendant qu’un autre grand homme vienne peut-être, sinon l’en chasser, du moins l’y réduire. Sans doute elle n’y est pas toujours, peut-être même jamais, de par les conditions ou les nécessités du théâtre, la grande, la libre symphonie. C’est la symphonie pourtant : je veux dire que c’est l’intérêt, la vérité, la beauté cherchée toujours et parfois rencontrée dans l’orchestre plutôt que dans le chant, dans la valeur propre des mélodies moins que dans leurs développemens, leurs combinaisons et leurs métamorphoses. Une chose au moins est certaine : parmi les ouvrages français de ce style ou de ce type (je ne parle que de la musique de demi-caractère), on n’en citerait pas de plus agréables et de plus vivans que la Fille de Tabarin.

D’aucuns, il est vrai, se plaignirent ou du moins s’inquiétèrent d’autre chose. A les en croire, la musique de M. Pierné manquerait un peu d’architecture et d’ordonnance, de généralisation et de grand parti pris. Mais toute la musique aujourd’hui manque de tout cela. De plus en plus elle va, Aient, court et passe, plutôt qu’elle ne demeure. Elle s’émiette et se pulvérise toujours davantage. Estimons-nous heureux quand c’est en poussière d’or.

L’œuvre de M. Pierné, comme toute œuvre représentée à l’Opéra-Comique, est chantée, jouée, décorée, éclairée à ravir. M. Périer a réussi, non pas avec éclat, — le mot ni la chose ne conviendrait au personnage de Mondor, — mais par un talent fait de discrétion et de délicatesse. et M. Fugère est toujours le grand artiste cordial, dont la voix, le chant, le jeu dégagent de la chaleur et de la lumière.

Des quatre Faust en musique (je ne pense qu’aux plus illustres), deux sont français, pour notre gloire. Le troisième, purement