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« prendre, dans le plus bref délai, les mesures nécessaires pour obliger les compagnies » à céder. On avait demandé jusqu’ici au gouvernement, ou du moins à l’un de ses représentans les plus élevés, de servir d’arbitre entre les ouvriers et les patrons en conflit. On ne veut plus d’arbitrage aujourd’hui. L’arbitrage n’a pas tourné toujours au profit des ouvriers ; il laisse quelque indépendance à la pensée et à la conscience de l’arbitre. Ce qu’on veut désormais, c’est un simple exécuteur des injonctions du Congrès. Il faudra que le gouvernement oblige les compagnies à s’y soumettre, et, en cas de refus de leur part, il retirera les troupes et reprendra à son compte des exploitations « qui sont la propriété nationale. » Cette fois, tout y est : on voit distinctement le but et le moyen. Néanmoins, le Comité de Saint-Étienne a bien voulu accorder au gouvernement et aux compagnies un délai pour se mettre d’accord. Il n’exige pas une réponse immédiate ; il demande seulement que cette réponse soit donnée au prochain Congrès national des mineurs, qui aura lieu dans la première quinzaine de mai.

Il semble que, jusqu’au terme de ce délai, le travail devrait être repris à Montceau-les-Mines ; mais ce n’est pas ainsi qu’on l’entend, et la preuve en est dans l’appel adressé à tous les mineurs de France pour soutenir la grève. Après deux jours de réflexion muette sur le sens obscur des résolutions de Saint-Étienne, M. Maxence Roldes, un orateur auquel une belle prestance et une certaine verve de parole ont donné de l’ascendant sur les ouvriers, a poussé de nouveau un cri de guerre, et, montrant l’usine : « Canonniers, à vos pièces, a-t-il dit ; voilà l’ennemi ! » Il faut donner le temps aux autres de préparer leur résistance et de se mettre en ligne pour le grand combat, qui n’est qu’ajourné. Et M. Maxence Roldes, qui sait son histoire, a rappelé qu’en 1848 le peuple avait accordé trois mois de crédit au gouvernement : il aurait pu ajouter qu’à l’échéance sont venues les journées de Juin. Mais restons dans le présent, et à Montceau-les-Mines. La grève y continuera donc ; elle y continuera parce qu’elle y a commencé ; il serait difficile d’en donner une autre raison. Le Comité fédéral de Saint-Etienne n’aurait eu qu’un mot à dire pour la faire cesser ; mais il n’a pas osé le prononcer, et, de peur de compromettre sa popularité, il a tenu un langage équivoque, contradictoire et dilatoire. Advienne que pourra ! Si les ouvriers reprennent leur travail, ils n’auront probablement pas tort ; s’ils ne le reprennent pas, on tâchera de les nourrir. En attendant, on parlementera avec le gouvernement et avec les groupes socialistes de la Chambre des députés, et sans doute finira-t-on par en obtenir quelque chose. Mais aussi,