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jeune princesse a épousé le prince Charles de Bourbon, fils du comte de Caserte. On n’a aucun reproche personnel à adresser au prince Charles, mais son père a servi autrefois dans l’armée carliste, et ce souvenir ne le recommande pas aux sympathies de la majorité des Espagnols. Il faudrait songer cependant que la participation du comte de Caserte à la guerre civile est un fait déjà lointain, que beaucoup de choses ont changé depuis cette époque, que le carliste d’autrefois reconnaît le gouvernement d’aujourd’hui, enfin que le fils n’est pas responsable des actes du père, et que sa jeunesse le met à l’abri de tout soupçon d’avoir participé, même par ses opinions intimes, à des troubles qui ont déjà pris pour nous le recul de l’histoire. En outre, le roi approche de sa majorité, sa santé s’est raffermie, et il devient de plus en plus improbable que la princesse des Asturies soit jamais appelée à mettre sur sa tête la lourde couronne de la monarchie espagnole. Les choses étant ainsi, il était naturel que la reine-régente et sa fille se déterminassent surtout par des convenances personnelles, dans une affaire où elles doivent toujours tenir une si grande place. L’esprit de parti aurait dû s’en occuper d’autant moins, qu’en admettant l’hypothèse de l’accession de la princesse au trône, l’histoire a montré à maintes reprises de quel poids léger les alliances de famille pèsent, dans la balance politique, à côté désintérêts. Mais les libéraux n’ont pas laissé échapper une aussi bonne occasion de protester, et il faut reconnaître que leur protestation a trouvé de l’écho dans le pays. Cela vient sans doute de ce que le pays était déjà mal disposé. La preuve en est dans un autre fait qui, en temps ordinaire, n’aurait été qu’un fait divers intéressant, ou émouvant, si l’on préfère, mais qui n’aurait pas entraîné des conséquences plus ou moins graves pour le gouvernement lui-même, car le gouvernement n’y était pour rien. Une jeune fille, Mlle Ubao, âgée de vingt-quatre ans, est entrée dans un couvent malgré la volonté de sa famille, qui a immédiatement intenté une demande en restitution d’enfant, en arguant de séduction et de captation. Il nous est évidemment impossible de savoir si l’accusation était fondée. La famille Ubao a d’abord perdu son procès en première instance et l’a finalement gagné devant la cour suprême. D’après les dernières nouvelles, Mlle Ubao, qui va d’ailleurs être majeure, refuse avec obstination de sortir de son couvent. Affaire romanesque à coup sûr, très propre à soulever des passions opposées, mais qui appartient à la vie privée et n’aurait pas dû troubler si violemment la vie publique. Enfin, une pièce de théâtre, l’Electra de M. Perez Galdos, est venue apporter un aliment nouveau à l’exaltation