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qu’à démontrer une fois de plus les divergences et la fragilité du concert européen.


I

Avant de retracer ces péripéties dont j’ai été témoin, étant alors ministre de France en Grèce, et que j’essayerai d’exposer d’après mes souvenirs personnels et les documens publics, je dois dire quelques mois de la situation antérieure pour faire bien comprendre les événemens. Le traités de Berlin et les actes subséquens, en présence des nationalités constituées dans la péninsule des Balkans aux dépens de la Porte par une série d’affranchissemens partiels, constatés par des formules spéciales, avaient consacré l’ensemble des faits accomplis, précisé quelques délimitations arbitraires ou ethnographiques, et constitué dans un certain équilibre les États chrétiens, indépendans ou autonomes, et les territoires directement soumis au sultan. Sans doute ce travail avait été gêné par diverses considérations : en premier lieu, par la nécessité de laissera la Turquie des possessions et des droits assez étendus pour qu’elle pût subsister ; puis, par le désir de diminuer l’influence que la Russie s’était attribuée dans le traité de San-Stefano, sans toutefois lui faire perdre tout le fruit de sa victoire ; enfin par les intérêts particuliers, présens et futurs, de chaque puissance en Orient. Néanmoins ces arrangemens, tout incomplets qu’ils fussent et précaires, semblaient devoir satisfaire, au moins pour quelque temps, les diverses races, en contre-balançant leurs moyens d’action et de propagande, et en atténuant les plus menaçans antagonismes. On avait ainsi établi un modus vivendi et formé un ensemble où les élémens bulgares, grecs, serbes et ottomans étaient répartis, sinon en proportions égales ou conformes aux prétentions réciproques, du moins d’une façon assez équitable et pondérée pour qu’on pût bien espérer de celle œuvre. La Bulgarie avait été séparée en deux parties : l’une était érigée en principauté vassale de la Porte sous l’autorité d’un prince élu et même éventuellement héréditaire ; l’autre, désignée sous le nom de Roumélie orientale, demeurait sous la souveraineté du sultan, mais devenait autonome et administrée par un vali chrétien nommé pour cinq années ; de plus, elle était dotée d’un règlement organique très libéral, élaboré par une Commission européenne. Le