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en politique les formules précises sont rarement d’accord avec les nécessités du moment et les intérêts en cause : aussi les Cabinets s’abstenaient-ils de s’engager dans des dissertations contradictoires, et préféraient, sans s’expliquer davantage, repousser simplement les réclamations hellènes en vertu de leur autorité souveraine. Ajoutons qu’ils inclinaient d’autant plus en ce sens qu’ils voyaient avec dépit qu’un État aussi faible que la Grèce se permit de leur faire obstacle et de déprécier leurs combinaisons. C’est pourquoi, — et nous sommes ici au point de départ de toutes les négociations et de tous les incidens ultérieurs, — leur langage à Athènes dépassa vite le ton des remontrances fermes et sévères, pour dégénérer en insinuations menaçantes. Il s’ensuivit qu’une telle forme de l’intervention révolta la fierté nationale, accrut la fermentation publique et obligea eu quelque sorte le gouvernement royal à la résistance. La politique française, en ces conjonctures, avait été, dès l’origine de l’affaire bulgare, parfaitement habile et correcte. Assez indifférens aux incidens de Philippopoli, nous désirions uniquement sauvegarder la paix, d’accord avec les autres Puissances. Nous nous étions donc associés à toutes leurs démarches et à toutes leurs résolutions : nous avions fait entendre à Athènes, aussi bien qu’à Sofia et à Belgrade, les mêmes exhortations et les mêmes conseils. Depuis que la question grecque était passée au premier plan et concentrait les inquiétudes de l’Europe, nous avions continué de nous exprimer à Athènes en termes courtois, mais très précis contre l’exaltation et les arméniens de la Grèce. Les instructions que M. de Freycinet m’avait données avant mon départ ne laissaient aucun doute à cet égard : je devais m’unir à mes collègues dans un commun effort, pour amener une détente, une conclusion conforme à nos désirs, qui se confondaient avec ceux des Puissances.

Sans doute, la méthode brusque et hautaine que celles-ci estimaient être la meilleure n’agréait pas dès lors à l’esprit prudent et fin de M. de Freycinet, qui eût préféré des formes plus douces et plus persuasives : mais cette appréciation personnelle ne modifiait en rien notre conduite, qui devait être la même que celle de l’Europe tant qu’on resterait dans l’ordre des idées purement diplomatiques. En revanche, M. de Freycinet avait un sentiment trop élevé de la politique traditionnelle de la France et aussi des principes qui sont la base du gouvernement