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républicain, pour accepter éventuellement l’emploi de la force contre un peuple indépendant. D’autre part, il regardait le prestige de la Grèce comme un élément essentiel des affaires orientales, et n’envisageait pas sans inquiétude des procédés susceptibles de le diminuer ; enfin il était persuadé que le concert européen, manifesté avec une énergie décisive en même temps qu’avec une cordialité rassurante pour la dignité des Hellènes, suffirait pour les détourner d’une entreprise hasardeuse. De toute façon, la contrainte lui paraissait, en ce qui nous concerne, tout à fait inadmissible, et il était si décidé à n’y point recourir qu’il avisa sur-le-champ les autres Cours de nos répugnances. On pouvait lui objecter que nous nous exposions à nous séparer d’elles à un moment donné, mais M. de Freycinet pensait avec raison que le concert européen n’oblige aucune Puissance à abdiquer sa liberté d’action quand des considérations supérieures lui imposent de la reprendre. On sait d’ailleurs qu’à l’occasion, cette doctrine fort sage est appliquée par tous les Cabinets. Notre programme était donc extrêmement clair : nous donnions notre concours le plus loyal et le plus dévoué à toutes les démarches pacifiques, même quand elles ne nous convenaient qu’à demi, et nous le donnions pour trois motifs de haute valeur : d’abord en vue de préserver l’accord international ; ensuite parce que nous avions à cœur de détourner la Grèce de revendications inutiles et d’arméniens ruineux ; enfin parce que l’efficacité de la procédure amiable dont nous étions les partisans eût justifié notre attitude et prévenu notre isolement. Mais, en même temps, nous ne voulions pas recourir à des menaces irritantes et encore moins participer à des mesures coercitives. Il est superflu d’ajouter que, sur ce dernier point, nous n’avions pas à nous expliquer avec le Cabinet d’Athènes, de peur d’encourager ses illusions et de gêner ainsi l’action diplomatique et collective dont nous souhaitions, au contraire, faciliter et assurer le succès.


VI

J’ai indiqué plus haut combien la tâche confiée à mes collègues et à moi était devenue plus rude au lendemain de Slivnitza : les passions n’étant plus contenues par l’espoir d’un incident heureux, M. Delyannis paraissait considérer comme inévitable une guerre à laquelle il serait amené, disait-il, « par les