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strict de rechercher une autre issue, autant pour la cause grecque que pour le maintien de notre influence en Orient. Mais, quelle que fut notre conviction, encore fallait-il savoir si le gouvernement hellène avait quelque inclination à nous entendre, et si nos efforts sympathiques avaient chance d’être compris par lui et acceptés. Il nous était indispensable de tâter le terrain.


VII

M. de Freycinet ne pouvait me charger à cet égard d’aucune communication, même confidentielle, qui l’eût en quelque sorte engagé avant l’instant dont il entendait à bon droit être le seul juge. Mais les conversations d’un agent sont des élémens essentiels de la diplomatie, lorsqu’il connaît bien les vues de son gouvernement. Je me regardais donc comme autorisé, dans la situation présente, à pressentir les dispositions du Cabinet grec sous la forme personnelle, et je profitai de quelques retards survenus dans les négociations bulgares et dans les préparatifs militaires des Puissances pour introduire, dans mes entretiens avec le Roi et le président du Conseil, des considérations accessoires et des suggestions hypothétiques. Je laissai entendre que, selon mon sentiment absolument intime, en ces heures si pénibles dont nous étions émus, peut-être la Grèce trouverait-elle dans l’affection réciproque des deux pays des motifs suffisans pour modifier sa politique sans que son amour-propre en fût blessé. Sans doute elle n’avait à attendre d’un témoignage de confiance dont nous serions touchés aucun profit d’ambition, mais il serait possible que notre concours moral lui fût utile pour arriver à une conclusion pacifique qu’elle devait souhaiter comme nous. Je ne parlais, au surplus, qu’en mon nom d’une éventualité aussi vague, mais qui, dans ma pensée, pourrait mener à une détente et faciliter une résignation inévitable.

Le gouvernement royal montra en cette occasion autant de perspicacité que de prudence. Sans avoir à s’expliquer sur la modeste opinion que je lui avais exprimée en ces termes voilés, il me fit comprendre qu’il ne serait pas éloigné de la partager, de sorte que je pus donner à M. de Freycinet une information dont il userait suivant les conjonctures. Il l’accueillit à ce titre et comme une note pour ses appréciations ultérieures, mais sans me donner encore d’instructions précises. Je les attendais avec