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sommairement ; je lui ferai connaître ensuite les réponses qui ont été faites et les motifs qui ont déterminé la section à donner un avis favorable au projet de décret.

« En premier lieu, on peut se demander si l’organisation même de la Franc-Maçonnerie n’est pas incompatible avec la reconnaissance comme établissement d’utilité publique.

« La reconnaissance d’une association, sans lui donner précisément le caractère d’une institution publique, emporte cependant de la part du gouvernement l’approbation, et par conséquent, dans une certaine mesure, la responsabilité de ce que fait cette association. Aussi la première condition que l’on soit en droit d’exiger d’une œuvre qui sollicite l’existence légale, c’est de n’avoir à aucun de ses degrés rien de caché, c’est d’agir ouvertement et publiquement.

« La Franc-Maçonnerie, au contraire, a toujours eu et a encore aujourd’hui pour trait caractéristique le secret. C’est un souvenir de son existence primitive, du temps où elle était proscrite, où elle luttait contre les idées reçues et contre les pouvoirs établis. Dans ces temps d’ignorance et de trouble, elle était le refuge d’individualités qui se sentaient trop faibles si elles restaient isolées, et qui cherchaient dans les liens d’une assistance mutuelle une protection contre l’impuissance, ou même contre l’oppression des pouvoirs publics. À cette époque, il y avait danger à en faire partie ; le secret était donc la condition nécessaire de son existence. Mais ce secret ne s’explique plus aujourd’hui, si les vérités maçonniques qui sont graduellement et mystérieusement révélées aux initiés sont simplement ces principes de tolérance religieuse, d’égalité sociale, de liberté politique, de fraternité entre les hommes, qui peuvent être professés ouvertement, puisqu’ils sont devenus les bases élémentaires et incontestées de la civilisation actuelle. Le secret n’a plus de raison d’être, si le seul mode d’action par lequel l’Association se réserve de mettre en pratique ses idées philanthropiques est l’assistance mutuelle, la charité.

« Cependant, Messieurs, la Franc-Maçonnerie conserve encore les mêmes formes qu’autrefois

« Elle a gardé ces rites, ces emblèmes, ces épreuves, ces initiations successives et graduelles, ces signes mystérieux de reconnaissance, ces assemblées fermées dont l’entrée serait interdite même au représentant de l’autorité, s’il n’était pas