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ni un vaudeville, ni surtout une comédie. C’est bien pourquoi le public s’en est si vite lassé.

Dans cette comédie manquée, il y a de l’esprit ; et j’y insiste. M. Capus a surtout ce genre de blague et cette ironie qui plaisaient, il y a une vingtaine d’années, dans les pièces de Meilhac et Halévy. Ecoutez de quelles précautions oratoires s’entoure l’honnête Le Houssel pour adresser à Mme Herbaut des propositions déshonnêtes : « Chère madame, nous vivrions à une époque où les mœurs seraient pures, je ne vous dirais certainement pas ce que je vais vous dire, parce que c’est un peu raide ; je ne me le dissimule pas. Mais aujourd’hui les mœurs sont corrompues, effroyablement corrompues. Ce n’est pas moi qui les ai faites. Je les ai trouvées dans cet état-là. Il y a un relâchement général dans la moralité publique. Telles choses qui auraient paru des monstruosités, il y a seulement cinquante ans, semblent maintenant les plus naturelles du monde. Tranchons le mot, nous vivons à une époque de décadence. Eh bien ! je vais vous parler comme à une époque de décadence… » Si on eût trouvé une déclaration faite sur ce ton dans quelque comédie de Meilhac et Halévy, nul doute qu’on n’eût jugé le morceau délicieux. Il ne déparerait pas telle scène de la Petite Marquise ou de Ma Cousine. Seulement c’est une forme de l’esprit dont nous sommes un peu fatigués. Le genre parisien au théâtre est usé jusqu’à la corde. Là comme ailleurs l’ironie est démodée. L’esprit, même relevé d’observation, ne suffit pas pour faire une pièce de théâtre ; c’est ce dont M. Capus vient de faire l’épreuve, et ce que la Bourse ou la Vie montre jusqu’à l’évidence. Pour faire une bonne pièce de théâtre, il n’y a encore qu’un moyen : c’est de croire à ses personnages, et c’est d’être soi-même dupe de ce qu’ils disent et de ce qu’ils font.

La Bourse ou la Vie a été très joliment interprétée au Gymnase, notamment par MM. Gémier et Dubosc, et par M. Galipaux dont le jeu trépidant et la gaieté de polichinelle étaient ici tout à fait dans la note de l’ouvrage.


La nouvelle pièce de M. Brieux, que le Théâtre-Antoine représente en ce moment avec succès, est un des moindres ouvrages de l’auteur. Les Remplaçantes sont à une pièce à thèse ce qu’est une pochade à une comédie. On a l’impression d’une pièce faite avec quelque hâte et dont l’auteur n’a pas cru pouvoir tirer de grands développemens. C’est d’ailleurs de sa part preuve de goût et de sens dramatique. En admettant qu’il y eût à faire une pièce sur les nourrices, il est clair que le