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libéraux au pouvoir. M. Sagasta est trop avisé pour avoir désiré beaucoup cette solution un peu prématurée. Il connaît les faiblesses de son parti, mais celles du parti conservateur se sont trouvées plus grandes encore, et, comme tout est relatif, la force des libéraux est venue de là.

Nous ignorons si la reine régente a voulu donner à ces derniers le maximum d’autorité qui pouvait leur échoir en ce moment : en tout cas, elle a fait tout ce qu’il fallait pour cela. On assure, — ce qui était d’ailleurs très correct de sa part, — que ses préférences étaient pour le maintien des conservateurs au gouvernement. Elle a essayé effectivement tout ce qui était possible pour les y conserver ; mais ces tentatives successives, aboutissant toujours à une même impuissance, ont été la démonstration la plus éclatante de la nécessité d’une autre solution. La reine, après avoir entendu les hommes politiques les plus propres à la renseigner sur l’état des partis, a fait appeler M. Silvela, le chef très distingué et respecté du parti conservateur. M. Silvela a dû quitter le pouvoir il y a quelques mois et l’a laissé au général Azcarraga : pouvait-il le reprendre aujourd’hui ? Il n’a pas tardé lui-même à reconnaître que non, et il a déclaré à la reine qu’il ne pouvait pas former un cabinet. Quels que soient ses mérites, M. Silvela n’a pas les qualités de caractère qui permettaient autrefois à M. Canovas del Castillo d’imposer sa volonté et de la faire prévaloir. Il s’est donc retiré. La reine s’est alors adressée au général Azcarraga, homme conciliant et estimé, très capable de présider quelque temps un ministère d’attente et de transition : seulement, il venait de remplir ce rôle, et, pour ce motif même, il n’était peut-être pas en mesure de recommencer. La reine Christine lui sait gré d’avoir accepté la responsabilité du mariage de la princesse des Asturies ; mais ce qui était une recommandation auprès d’elle n’en était pas une auprès de la majorité du pays. Enfin, si le général Azcarraga a montré de la fermeté pour le rétablissement de l’ordre, comment oublier que les motifs ou les prétextes pour lesquels il avait été troublé tenaient aux tendances qu’on avait attribuées à son gouvernement ? Il est probable que le général Azcarraga se rendait compte des difficultés qu’il devait rencontrer : néanmoins, il n’a pas décliné tout de suite le mandat que la régente voulait lui confier, et il a fait en cela preuve de dévouement. Mais, après un entretien avec M. Silvela, il a renoncé définitivement à une tâche qu’il sentait trop au-dessus de ses forces. Cette seconde tentative conservatrice ayant échoué comme la première, la reine n’a pas reculé devant une troisième : elle a recouru une fois de plus à un