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de Jonage s’est fondée ; quand elle aura atteint tout son effet, elle pourra distribuer à Lyon 15 000 chevaux-vapeur, c’est-à-dire le quart de la consommation annuelle. Si cette entreprise atteint les résultats que se sont promis ses fondateurs, une des grandes villes industrielles du monde empruntera sa force motrice, non plus à la houille notre seulement, mais, en grande partie, à la houille blanche.


La « houille blanche » battra-t-elle la houille noire ? Voilà maintenant la question.

L’abaissement sur le prix de revient du cheval-an est considérable, on pourrait dire énorme. Il faut distinguer, évidemment, entre les conditions de l’installation, le plus ou moins de continuité du travail, la nature de l’industrie. Mais, tout compte fait, il résulte des travaux de M. Blondel et de M. Tavernier et des renseignemens que j’ai recueillis sur place que, si on compare le prix de revient de la force prise à l’usine hydraulique sur l’arbre de la turbine avec le prix de revient de la force à vapeur moyenne, cette comparaison est très en faveur de la force hydraulique. J’emprunterai encore au rapport de M. Tavernier la conclusion qu’il tire de cette constatation : « Un abaissement de prix si formidable et, grâce au transport à distance, si universel, de la force continue doit provoquer une véritable révolution économique. »

L’expérience a permis de reconnaître d’autres avantages provenant de l’emploi de la houille blanche. La main-d’œuvre n’est plus nécessairement agglomérée dans des centres industriels urbains ; elle est à la fois moins chère et plus satisfaite. La mine de houille notre s’épuise, tandis que la houille blanche, la neige des sommets, se renouvelle chaque année. Au fur et à mesure que la mine de charbon est exploitée, les difficultés d’extraction sont de plus en plus grandes ; le prix de la houille notre ira probablement sans cesse en augmentant. Pour la houille blanche, le temps ne peut qu’améliorer les conditions de l’exploitation, en perfectionnant sans cesse l’outillage.

Quant à la puissance de production des hautes chutes, elle est, pour ainsi dire, inépuisable. On a vu que le ruisseau de Lancey fournit, à lui seul, une force réalisée ou immédiatement réalisable de 10 000 chevaux-vapeur, force renouvelable d’année en année, à travail plein, pendant trois cent soixante-cinq jours par an. Or, l’aire de pente de ce ruisseau ne comprend guère