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chemins de fer iront puiser, dans ces réservoirs, les forces naturelles qui permettront à la circulation la plus hardie et la plus imprévue d’aborder, sans difficulté, l’obstacle qui paraissait invincible : les hautes cimes seront battues par les hautes chutes. Un serviteur nouveau et souple comme le fluide électrique pénètre dans le dernier ravin des vallées ; il les fouille, les éclaire, les prépare pour un nouveau progrès de la conquête humaine.

Mais ce bienfait est encore restreint. Le champ où il s’exerce a pour limite la distance où s’arrête le transport de la force électrique ; c’est-à-dire, dans les circonstances actuelles, un rayon d’action de 60 à 80 kilomètres, — rayon qui s’accroît, tous les jours. Au-delà de cette portée, le fluide électrique s’échappe : il y a fuite et déperdition, ou bien il faut que les câbles soient d’une grosseur telle qu’il ne peut être question de les employer. Toute industrie qui suppose le transport électrique de la force est donc, jusqu’à nouvel ordre, serve de la montagne. Elle n’est libérée que jusqu’à une certaine distance de 40 à 50 kilomètres. Elle ne peut aller au-delà ; elle a un fil à la patte.

Or, un troisième procédé industriel, qui n’est qu’une autre application des principes qui viennent d’être développés, prend, à l’heure qu’il est, un grand essor : l’électrolyse. Le mot dit très bien ce qu’il veut dire : « Je délie par l’électricité. » La force hydraulique, soit qu’elle se transforme en fluide électrique, soit qu’on obtienne par elle des températures extraordinairement hautes et maniables, produit des résultats industriels véritablement imprévus. La chaleur du foyer de houille ne se règle pas ; tandis que la force du courant électrique, étant à la fois instantanée et continue, agit, cesse ou dure au gré d’un bouton que l’on pousse. En outre, il ne peut être question de produire avec la houille les températures que l’on obtient avec l’énergie hydraulique.

Aussi, les industries nouvelles qui ont besoin, avant tout, de ces deux élémens : puissance et docilité du fluide ou du calorique sont venues s’établir là où la force des hautes chutes leur fournissait l’énergie avec une abondance extraordinaire et à bas prix. Les usines qui fabriquent la soude, le carbure de calcium, l’aluminium sont dans ce cas. Elles se multiplient. Elles ajoutent leur prospérité récente à celle que l’utilisation des hautes chutes a développée dans ces vallées. Leur avenir est illimité ; elles ont, sans peine, aboli toute concurrence.