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réduit le minerai de ; fer qui a fait notre civilisation et notre siècle, mais elle ne peut rien sur l’aluminium, tandis que la houille blanche ou la force hydraulique, par l’électricité, réduit l’alumine et nous donne l’aluminium qui donnera son nom au siècle nouveau, s’il arrive à un bon marché suffisant. Ce métal léger comme le verre, résistant comme le fer et inoxydable comme l’argent, est certainement le métal de l’avenir ; il réduira des deux tiers nos poids morts alourdissans, remaniera tous nos véhicules et nos outils de guerre, et nous ouvrira la navigation aérienne du plus lourd que l’air. Or, l’électricité seule nous donne, dès aujourd’hui, l’aluminium à un bon marché que l’amortissement gradué des immenses forces motrices nécessaires augmentera indéfiniment. Les Pyrénées et les Alpes ont pour cela toute la houille blanche nécessaire, et n’est-il pas juste que les montagnes qui, depuis l’origine du monde habitable, engraissent les plaines, bénéficient à leur tour de leurs propres richesses ? »

Voilà le cri du montagnard.

C’est sur ce cri que je voudrais finir. Il ferait dépendre le futur progrès industriel de l’exploitation de la houille blanche. Mais tout le monde ne partage pas cet enthousiasme. M. Bergès a rencontré ses contradicteurs et ses incrédules. L’industrie nouvelle, qui a pris d’abord un superbe élan, subit visiblement, à l’heure présente, un temps d’arrêt. Ce n’est, comme on dit, qu’un tassement. Cependant, les objections qui se sont produites ne sont pas toutes à dédaigner.

L’industrie humaine ne repose pas uniquement sur la force motrice. Ce n’est qu’un des élémens du travail qui donne le produit et le profit. Les autres élémens sont la matière première, la main-d’œuvre, le débouché, sans compter le génie directeur qui met en branle toute la machine. S’il s’agit d’exploitations où la force motrice est l’élément dominant, il ne fait pas doute qu’elles ont avantage à venir s’installer dans les régions où on la trouve à bas prix. Mais les industries où la force motrice ne joue qu’un rôle secondaire n’ont pas le même intérêt. Jusqu’ici, il en est bien peu (sauf celles qui sont fondées sur l’électrolyse) qui se soient déplacées pour aller vers la montagne. Ni la métallurgie, ni la filature, ni le tissage n’ont fait ce pèlerinage. Le feront-elles ? Sauf, peut-être, la métallurgie, c’est peu probable.

Est-il même désirable qu’elles le fassent ? La perte de toute