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une organisation séculaire ne trouverait probablement qu’une compensation insuffisante dans le bénéfice obtenu sur le prix de revient de la force, et de grandes régions prospères se trouveraient ruinées. L’infériorité de la houille blanche, il faut bien le dire, c’est qu’elle ne se déplace pas. On a pu agrandir son rayon d’action par le transport électrique ; mais on ne l’a pas libérée. Fille de la montagne, elle ne peut vivre loin d’elle, elle tire sur sa chaîne ; mais la chaîne est encore rivée.

La brisera-t-elle ? voilà, enfin, la vraie question. Si cette question doit avoir une solution, elle ne la trouvera, évidemment, que dans un dernier progrès : l’invention ou, plutôt, le perfectionnement des accumulateurs transportables. Le jour où ce progrès suprême sera accompli, le jour où l’on aura rendu pratique l’accumulateur portatif, le jour où l’on aura mis la force en bouteille, alors vive la houille blanche et vivent les glaciers ! Rien ne leur résistera ; ils seront les maîtres du monde.

Et, alors, les pays à plateaux surélevés, les pays alpestres se substitueront à ceux qui, pendant un siècle, ont si largement profité des richesses houillères que la nature leur avait prodiguées. L’énergie renouvelée, chaque hiver, à la surface de la terre par la chute des neiges, aura raison de celle que les végétations anciennes ont accumulée dans ses lianes. Ce jour-là, — mais ce jour-là seulement, — le glacier l’emportera sur la mine, et la houille notre sera définitivement vaincue par la Houille blanche.


G. HANOTAUX.