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avec une faible armée, contre une des grandes puissances : « Les petits saints, lui répond-il, font quelquefois de grands miracles[1] ! » Les échecs, au surplus, ne le rebutent pas aisément. Il s’obstine contre tout espoir, et fait parade de fatalisme. Le sort des armes, à ses yeux, n’est qu’une simple « partie de dés, » où nul n’a chance de gain s’il ne met d’abord à l’enjeu.

Son ambition, d’ailleurs, ne se confine pas en un point. S’il fait fiasco sous la cuirasse, il se rattrapera sous la pourpre : « J’ai assez d’argent à la banque de Venise, écrit-il cyniquement, pour acheter un chapeau de cardinal[2]. » Mais ce n’est là qu’un pis aller, et sa prédilection avouée est pour la gloire qu’on acquiert à la guerre. S’agit-il de lever des hommes, d’organiser des régimens, d’acheter des chevaux et des armes, tous moyens lui sont bons, aucun impôt ne lui semble excessif. Si l’on objecte la misère où il va réduire ses sujets : « C’est le bon moyen, réplique-t-il, de les rendre obéissans et souples ; un prince n’est pas le maître quand son peuple est dans l’opulence. » Brave au reste et actif, il ne s’épargne pas lui-même. Dans les batailles comme dans les sièges, il est au premier rang, animant les soldats et leur donnant l’exemple. On ne doit voir qu’une injuste boutade dans ce qu’écrit de lui la duchesse Sophie de Hanovre[3] : « Quant à l’évêque, il ne s’est jamais hasardé plus loin que pour sonder un marais, où il tomba jusqu’au col ; et si on ne l’en eût retiré, il eût pour une fois couru risque. »

Ajoutons, pour achever l’esquisse, que ce prince belliqueux se ressouvenait à l’occasion qu’il était également évoque. Bien qu’il « s’aimât mieux, à coup sûr, l’épée à la main que la crosse, et à la tête d’une armée qu’à la queue d’une procession, » il ne dédaignait pas de vaquer quelquefois à des soins moins profanes. « Le cardinal de Bouillon, rapporte Pellisson[4], nous disait ce matin que M. de Munster n’omet pas une des fonctions d’évêque, et qu’il est fort exact en matière de discipline ecclésiastique. » Lorsqu’en 1672 il s’en vient trouver Louis XIV, Galon préside un Te Deum ; au cours de la cérémonie, il présente au roi l’eau bénite, « tout botté, éperonné, vêtu d’un justaucorps brun, » et remplit l’office de prélat en cette tenue de mousquetaire.

  1. Annales des Provinces-Unies. — La Vie et les Faits, etc.
  2. Lettre du chevalier Temple. — Annales des Provinces-Unies.
  3. Correspondance avec son frère, le palatin du Rhin. Leipsig, 1886.
  4. Lettres de Pellisson.