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La « rage guerrière » de l’évêque de Munster n’excluait pas certaine dose de prudence. Avant de se lancer en de grandes aventures, il voulut essayer ses forces contre de plus faibles que lui ; les petites seigneuries voisines de ses États firent les frais de cette expérience. Le comté de Borkelo, apanage du comte de Stirum, et certaines citadelles de la principauté d’Oost-Frise se trouvèrent, par fortune, « à la bienséance » de Galen. Convoiter une chose et la prendre étant pour lui tout un, il n’hésita pas un instant à s’en passer la fantaisie. Son procédé, en pareil cas, est simple autant qu’expéditif. Ce sont d’abord, pour la galerie, quelques griefs imaginaires et des chicanes de procureur ; puis, suivi de ses bandes, il envahit le territoire, dévaste et pille tout sur sa route, et se saisit de l’objet du litige. Ceux qu’il a dépouillés ont pour unique ressource de se plaindre à leurs protecteurs. Mais l’Empereur est lent et timide ; tout ce qu’on en peut obtenir est une enquête sans résultat, suivie de menaces sans sanction. Le roi de France, auquel on s’adresse également, est secrètement d’accord avec l’envahisseur : en entrant dans la ligue du Rhin[1], Galen s’est ménagé la faveur de la France ; le comte d’Estrades[2], notre ambassadeur à la Haye, appuie sous main ses prétentions. Dans cette inertie générale, une fois encore le seul obstacle que rencontre Galen à son ambition effrénée est la conscience honnête des États de Hollande.

Les entreprises de ce dangereux voisin, les plaintes qui s’élèvent de toutes parts des régions que parcourent ses hordes, les excès auxquels elles se livrent, provoquent dans les Provinces-Unies une indignation violente. Une sommation comminatoire étant demeurée sans réponse[3], un corps d’armée fut envoyé contre les Munstériens, et le prince de Nassau, gouverneur de la Frise, reçut mission de le conduire. Les rencontres, dans le début, ne firent que peu d’honneur aux armes de l’évêque. Plus exercées à piller qu’à combattre, ses troupes, en rase campagne, se dispersaient à la première décharge. Elles tirent meilleure contenance derrière les murs d’une citadelle. Dans le fort de Wilderskaus, où Galen s’était enfermé, la résistance fut honorable ; cependant la défense approchait de son terme, quand une aventure imprévue sauva la garnison. Le prince

  1. Cette adhésion eut lieu en 1658 (Mss de l’Arsenal, 4893).
  2. 1607-1686. D’abord diplomate, puis maréchal de France.
  3. Mai 1664.