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leurs camps, — devint promptement si grand que le roi s’occupait déjà d’en constituer « un corps spécial[1], » quand on apprit, au mois d’avril, que, découragé de la lutte et, de plus, effrayé par l’intervention menaçante de l’électeur de Brandebourg, l’évêque se résignait à négocier avec les États Généraux. Le 18 du même mois, le traité de paix fut signé, traité peu glorieux pour Galen, qui restituait toutes ses complètes et s’engageait à licencier ses troupes, sauf 3 000 hommes reconnus nécessaires pour la sûreté de ses États[2]. Quelques semaines plus tard, le corps de M. de Pradel, sa tâche achevée, repassait la frontière. Chacun regagna ses foyers, Français et Hollandais fort peu contens les uns des autres, les troupes du Roi, en revanche, et celles de l’évêque de Munster, avec la mine de gens qui, malgré l’apparence, se sentent secrètement, du même bord, et dont les maîtres respectifs ne sont pas bien loin de s’entendre.


V

Malgré leur piètre résistance en face des régimens français, le prompt succès des Munstériens, quand ils n’avaient affaire qu’aux forces de Hollande, avait fait impression parmi les cours d’Europe. Le nom de Von Galen était sur toutes les lèvres ; son ardeur, son audace lui tenaient lieu, dans l’opinion, de talens militaires ; peu s’en fallait qu’il ne passât pour l’un des bons capitaines de son temps[3]. En France plus que partout ailleurs, cette légende était établie : sans le veto du roi, disait-on couramment, le chétif État de Munster mettait à bas son orgueilleux voisin, et la Hollande était perdue. Louis XIV, pour sa part, semble n’en avoir pas douté. « Il suffit, écrit-il dans un mémoire confidentiel[4], d’alléguer la dernière guerre que l’évêque de Munster, sans aucun subside ni secours étranger, a faite en dernier lieu à cette république, qui était à deux doigts de sa perte sans les troupes auxiliaires que je lui envoyai. » De cette époque date dans l’esprit du roi le dessein arrêté de mettre cette force à profit et de faire entrer Von Galen dans le

  1. Annales des Provinces-Unies.
  2. Traité du 18 avril 1666.
  3. Désormeaux, Histoire de la Maison de Montmorency.
  4. Arch. de la Guerre, n° 1112.