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mouvement patiemment préparé contre la puissance hollandaise. Une lettre de la main royale, retrouvée aux archives du ministère de la Guerre, fait allusion, à mots couverts, aux pourparlers dès ce moment en train, et témoigne du savoir-faire que le puissant souverain montrait à l’occasion, pour chatouiller l’orgueil des gens qu’il prétendait gagner à sa cause : « Mon cousin, — écrit, le 10 novembre 1666, Louis XIV à l’évêque de Munster[1], — envoyant le sieur Millet, maréchal de mes camps, dans le duché de Bremen pour le sujet que je l’ai chargé de vous dire, je me sers de ce prétexte public pour vous pouvoir faire parler plus secrètement d’une autre affaire qui ne vous est pas inconnue. Vous pouvez donc donner la même foi et créance audit Millet que vous donneriez à moi-même en tout ce qu’il vous dira, tant sur la même affaire que sur les bons sentimens que j’ai pour tout ce qui vous regarde, étant certain qu’il ne se peut rien ajouter à la parfaite bienveillance que j’ai pour vous et à la singulière estime que je fais de votre personne, pour les grandes qualités que je sais que vous possédez, et dont vous avez déjà donné des preuves si éclatantes, qu’elles m’inspirent une très forte passion de vous donner lieu d’augmenter de plus en plus votre gloire. Me remettant au surplus, etc., etc. »

Dès l’année suivante en effet, en mai 1667, un premier traité se conclut. L’évêque renouvelle pour trois ans son adhésion à la ligue du Rhin, s’engage, en cas de guerre, à fermer ses États au passage des troupes de l’Empire ainsi qu’à leurs alliés[2] ; en échange de quoi, il reçoit d’importans subsides de la France. La paix rapide d’Aix-la-Chapelle[3] rend inutile un concours plus actif ; mais la partie n’est que remise ; Galen, secrètement stimulé, emploie cette période de répit à compléter ses forces militaires. Jamais il n’a fait preuve d’une plus furieuse activité. Jour et nuit ses agens sillonnent les routes d’Allemagne et parcourent les États voisins, embauchant des soldats, achetant des chevaux et des armes, engageant à prix d’or les officiers dont l’épée est à vendre. Munster, en peu de ; temps, devient le rendez-vous des coureurs d’aventures et des porte-rapières, de tous ceux qui cherchent fortune dans les hasards des champs de bataille. En cette cour ecclésiastique, « on tient conseil plus souvent que

  1. Arch. de la Guerre, t. 635.
  2. Mss. de l’Arsenal, 4893.
  3. 2 Mai 1668.