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viendrez à bout… Je vous dirai mon sentiment, par l’expérience que j’ai de ses humeurs, sur la manière dont il le faudra prendre. » La conférence eut lieu le jour fixé ; elle amena l’effet attendu ; les efforts combinés du ministre et du général déterminèrent enfin, avec leurs tristes auxiliaires, l’adoption d’un plan de campagne en commun. Il était temps : depuis huit jours déjà, l’armée française était sur les rives de la Meuse, et ses corps avancés passaient victorieusement la frontière des Provinces-Unies.

Alors seulement, — si surprenant que cela semble, — les États de Hollande perdirent sur le compte de Galen leurs illusions dernières. Les armemens et les levées, les allées et venues et les conciliabules, tous ces préparatifs n’étaient soi-disant destinés qu’à soutenir l’archevêque de Cologne dans un différend qu’il avait avec sa capitale. Le prétexte était transparent ; vaille que vaille, il suffit pourtant à endormir des mois entiers ces confîans adversaires. Enfin, aux premiers jours de mai, les bruits qui couraient en Allemagne, les avertissemens répétés du grand pensionnaire, Jean de Witt, secouèrent la torpeur des États. Ils députèrent à Munster un des leurs, le sieur de Houvelar, « noble de l’Yssel, » pour « sonder » à nouveau les desseins de l’évêque. Comme son prédécesseur, l’envoyé fut reçu de façon « fort honnête, » engagé à souper, comblé de politesses ; mais il s’aperçut vite que cet accueil flatteur célait une étroite surveillance, que ses « gardes d’honneur » ne le perdaient jamais de vue, « fût-ce dans sa propre chambre[1]. » Les rapports s’aigrirent rapidement à la suite de cette découverte, et l’évêque de Munster jugea l’instant venu de parler franc et de jeter le masque. Le messager des « Hautes-Puissances » reçut, le 18 mai, une lettre violente. Les États de Hollande y étaient accusés des plus méchans desseins, des forfaits les plus noirs à l’encontre de leur voisin. Embauchage de ses troupes, corruption de ses fonctionnaires, tentatives d’incendies dans les villes du diocèse, complot contre l’Etat, et envoi d’assassins chargés d’attenter à sa vie ; tels étaient les griefs qui obligeaient Galen de demander réparation aux États Généraux et de « défendre à ses sujets, sous peine de la prison, de la confiscation et au besoin même de la vie, d’avoir aucun commerce avec ceux des Provinces-Unies[2]. »

  1. Annales des Provinces-Unies.
  2. La Vie et les Faits mémorables, etc. — Annales, etc.