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habiles à les enseigner ; les professeurs des lycées et des collèges ont la connaissance minutieuse des détails et un art de cultiver les esprits, sinon en profondeur, du moins en surface ; les professeurs des facultés représentent, quelques-uns la gloire de travaux illustres dans le monde entier, presque tous la possession complète et ordonnée d’une des sciences contenues dans la science.

Pourtant une partie de la nation se défie de cet enseignement. Au lieu de mettre à profit les avantages qu’il offre, les catholiques persévèrent à vouloir un enseignement pour eux. Au fond des campagnes, l’école libre se perpétue en face de l’école publique ; dans les moindres villes, en face des lycées et des collèges, les établissemens religieux ; dans les capitales de l’intelligence où l’Etui a ses grandes chaires, les facultés catholiques dressent les leurs.

Pourquoi celle lutte ? Y a-t-il une obstination orgueilleuse de l’Eglise à garder l’enseignement parce qu’elle l’a donné la première, longtemps seule ? Elle ne renonce jamais, disent ses adversaires, à rien de ce qu’elle a gouverné. Si elle gardait cette immortelle avidité de tous les droits exercés par elle à un jour de l’histoire, quel droit de l’Etat ne serait pas aujourd’hui revendiqué par elle ? Civilisatrice de peuples barbares, elle fut d’abord non seulement la dépositaire des fonctions publiques, mais la tutrice des intérêts privés. Si elle a exercé ces droits dans la société, ce n’était pas pour les lui prendre, mais pour les lui apprendre. Et, quand cette société s’est crue capable de conduire seule les affaires humaines, l’Eglise ne s’est pas obstinée : les moines ont cessé d’être les défricheurs de l’Europe, quand le nomade fixé et instruit par eux a cultivé la terre. Législatrice universelle tant que le droit canonique était seul à offrir, contre la brutalité des coutumes barbares, des règles rationnelles, prévoyantes, humaines, elle ne lutta pas pour l’imposer le jour où les peuples voulurent être régis par des lois nationales et jugés par des laïques. Donner la science humaine n’est pas davantage un attribut nécessaire et divin de l’Eglise. Pourquoi suspendre ici le mouvement de retraite par lequel elle a rendu aux sociétés la direction de leurs intérêts humains ? Pourquoi l’Eglise ne laisse-t-elle pas les générations nouvelles passer de ses écoles aux écoles de l’Etat ? Pourquoi les catholiques refusent-ils pour maîtres ceux dont ils ne contestent pas le savoir ? et qu’ont-ils à apprendre que l’Etat ne puisse leur enseigner ?