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Elle ne mit pas seulement au service de sa foi la force du courage, mais la force de la pensée : elle lutta non moins que l’homme contre les hérésies des premiers siècles ; si elle n’écrivit pas les livres des Pères, elle les défendit toujours, souvent les inspira : elle en rendit la doctrine plus vivante par sa parole, parfois efficace où celle des docteurs avait échoué. Son zèle à favoriser l’invasion douce et continue de la sagesse évangélique dans les mœurs de l’Europe en formation, donna à l’Eglise le plus constant, le plus dévoué et le plus décisif des secours, et fît admirer en la femme l’esprit de conduite et de gouvernement. Elle déploya ces vertus publiques pendant douze siècles, jusqu’à ce que le christianisme semblât inébranlable. Cachée dans sa vie domestique quand la paix régnait dans la société ; mêlée à la vie sociale, quand des principes étaient à défendre ; attirée vers la place publique à proportion qu’y grandissait le péril, la femme chrétienne, aux jours où l’envahisseur menaçait tout, patrie, biens, liberté, croyances, a su courir même aux remparts, parfois réveiller par l’exemple le courage des hommes et sauver la cité.

Nous sommes à une de ces époques. Au lieu d’être menacés de la barbarie par les armes, nous marchons à elle par les idées. Nous avons besoin que tous viennent au secours de la civilisation.

Si la femme d’aujourd’hui, chrétienne toujours, regarde le combat au lieu de le livrer, semblé avoir pour ambition unique de se rendre impénétrable aux doutes ambians et les laisse, vaincue d’avance et sans lutte, conquérir autour d’elle ; les êtres les plus chers, la responsabilité de ce grand mal n’est pas à elle, mais à son éducation. Elle a encore l’éducation des temps de paix, celle qui forme à vivre selon des croyances universellement acceptées : elle n’a pas l’éducation des temps de lutte, celle qui instruit à soutenir ces croyances contre les objections de l’histoire, des sciences, de la philosophie. Elle n’est plus formée par les fortes études qui rendirent, aux siècles de luttes, les femmes capables des actions continues et des paroles décisives.

Qu’une instruction sérieuse, — elle peut l’être à tous les degrés d’enseignement, — rende la femme la compagne intellectuelle de l’homme ; que la femme connaisse le défaut des lieux communs et des sophismes en faveur où ni le est appelée à vivre ; qu’à l’appui de ses propres croyances, elle possède une synthèse bien ordonnée de raisons et de faits ; qu’elle se sente capable de