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d’y suivre les progrès des découvreurs. Si les voyages les plus retentissans furent dirigés vers les Grands-Lacs, à la recherche des sources du Congo et du Nil, l’Ethiopie, elle aussi, sollicita l’ardeur de savans et hardis voyageurs, parmi lesquels s’illustrèrent beaucoup de Français. En 1835, Combes et Tamisier, en 1842, la mission topographique de Ferret et Galinier, rapportèrent des documens géographiques nouveaux et précis ; les deux frères Antoine et Arnauld d’Abbadie vécurent douze ans (1837-1848) en pays éthiopien et recueillirent les l’enseignemens les plus précieux sur la configuration, les mœurs, l’histoire et l’état social de ces contrées qu’ils surent voir en savans et en artistes[1]. Rochet d’Héricourt, envoyé par Louis-Philippe, conclut un traité d’amitié et de commerce avec le roi du Choa, grand-père de Ménélik[2]. Guillaume Lejean, vice-consul de France à Massaoua, vécut dans l’intimité du fameux Théodoros, et, bien qu’il eût fait connaissance avec les prisons et les fers du Négus, il a laissé sur lui un Jugement très impartial dans un livre où l’énergique figure de cet habile aventurier se détache avec un saisissant relief.

Deux grands faits, aux approches de 1870, vinrent mêler plus intimement l’Ethiopie à la vie européenne : ce furent l’expédition anglaise de Magdala et l’ouverture du canal de Suez.

Devenu négus et couronné par l’Abouna, Théodoros II avait entrepris la tâche surhumaine de remettre l’ordre et de restaurer l’autorité dans son empire ; destiné par Dieu, disait-il, à rendre tout son lustre à l’ancien royaume d’Ethiopie, il avait résolu la destruction de la vieille féodalité et la concentration de l’autorité aux mains du Roi des rois ; mais, de son passé de chef de bande et de ses luttes toujours renaissantes contre la turbulence des grands feudataires, Kassai, parvenu au trône, gardait les instincts soupçonneux et les procédés violens d’un tyran. Il accueillait volontiers les étrangers, mais il les surveillait jalousement et se défiait de leurs moindres démarches, d’autant plus que les Anglais et les Français, mal renseignés sur l’état réel de la politique éthiopienne, avaient également noué des relations avec un rival rebelle du négus, Négousié, maître du Tigré. Après toute une

  1. Douze ans dans la Haute-Ethiopie, par Arnauld d’Abbadie. Hachette, 1868.
  2. Rochet d’Héricourt a écrit deux livres sur ses voyages : Voyage sur la côte orientale de la Mer-Rouge, dans le pays d’Adel et le royaume du Choa. Paris, 1841, in-8o ; et Second voyage sur les deux rives de la Mer-Rouge, dans le pays d’Adel et le royaume du Choa. In-8°, 1846.