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vaudrait aujourd’hui discerner celles de rame anglaise. Comprendre ne nuit jamais ; et ne pas comprendre un adversaire, éventuel, c’est lui céder un premier avantage. On le vit bien il y a trente ans.

Voulons-nous humilier vraiment l’orgueil de l’Angleterre ? Faisons à son égard cette preuve d’intelligence et d’équité qu’elle n’a pas su faire au nôtre. Au cours de ces dernières années, alors que nous nous débattions dans un affreux cauchemar, l’opinion anglaise nous a condamnés en bloc. Elle n’a rien deviné de nos angoisses. L’affolement d’un peuple qu’on accule entre un déni de justice et l’abandon de ses traditions nationales, les soubresauts désordonnés de l’instinct vital sous la pression étouffante des mains étrangères, nos révoltes contre la domination cauteleuse qui prenait prétexte de chaque faute, de chaque erreur pour nous engluer dans une sorte de captivité morale, le désespoir de voir s’effondrer l’une après l’autre, sous une poussée méthodique, les pièces de la charpente sociale qu’on croyait saines et dont on découvrait l’irrémédiable usure, le geste réflexe et violent du propriétaire qui soutient sa maison croulante, envahie, qui frappe dans son égarement des coups peut-être injustes pour défendre son foyer en péril, — l’Angleterre n’a rien compris aux péripéties de ce drame poignant. Elle n’a vu que les maladresses judiciaires et les excès inséparables d’une exaspération du sentiment national ; elle nous a jugés sans clairvoyance ! Son tour est venu d’encourir le désaveu du monde. Il y aurait quelque élégance, pour ne pas dire plus, à lui faire sentir notre supériorité eu recherchant quelle somme de bonne foi elle garde dans l’erreur, quelles grandes qualités ses fils déploient dans la poursuite d’un dessein réprouvé par la conscience universelle.

Quiconque a causé de la guerre d’Afrique avec des Anglais sait comment ils se sont forgé un bon droit à leur usage. M. Chevrillon expose leur thèse, engendrée, consolidée par tous les préjugés nationaux.

D’abord, une remarque d’ordre général : « Par suggestion, l’attitude produit le sentiment, et de l’attitude de combat naît la haine nécessaire au combat. C’est ce qu’ont pu constater ceux qui depuis six mois suivent la presse anglaise ; ils ont pu y voir naître, puis croître l’illusion utile à la guerre… Hypnotisée, son activité mentale réduite au groupe d’images suggérées, la nation.