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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




31 mars.


La grève de Marseille n’est pas encore terminée, mais on annonce sa fin prochaine. Il faut souhaiter que ces prévisions se réalisent ; toutefois, s’il en est ainsi, le mérite n’en reviendra pas au gouvernement. Il a commis en effet, faut-il dire une imprudence, une légèreté, une maladresse ? faut-il employer un mot plus fort ? Mettons, pour nous borner au rôle de narrateur, qu’il a commis un acte qui semblait beaucoup plus propre à donner à la grève un élan nouveau qu’à l’acheminer vers son dénouement. Si cet acte, inconsidéré ou coupable, avait été le fait d’un autre ministère, à quelles récriminations n’assisterions-nous pas ? Mais, envers le cabinet actuel, l’indulgence est sans limites. Que ne peut-on pas se permettre lorsqu’on a avec soi et pour soi les entrepreneurs ordinaires d’interpellations parlementaires, de violentes campagnes de presse, enfin de bruit et de tapage ? Tout se tait ; pas un murmure ne s’élève. Voici pourtant l’incident qui vient de se produire.

Samedi, 23 mars, la mairie de Marseille a été mise en mouvement par un coup de téléphone. Un employé s’est présenté à l’appareil et a reçu, ou cru recevoir une communication du ministère de l’Intérieur. Première illusion, paraît-il : c’est le ministère du Commerce qui téléphonait. Quoi qu’il en soit de son origine, la communication était ainsi conçue : « Les patrons acceptent qu’il soit désigné un arbitrage ayant pour but de limiter les points de la discussion à intervenir après l’audition des deux parties. Consultez les ouvriers sur la proposition. » Cette nouvelle nous a surpris ; mais elle était donnée en termes tellement formels qu’il fallait bien la considérer comme exacte. Elle nous a surpris, parce que les patrons avaient déclaré jusqu’alors que, s’ils étaient prêts à discuter avec les ouvriers sur la manière dont