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Et par qui était-elle déclarée fausse ? Par M. Millerand lui-même. Il y avait de quoi perdre la tête : aussi M. Grimanelli n’y a-t-il pas manqué.

Tels sont les faits matériels ; que faut-il en croire ? On n’ôtera pas de l’esprit de beaucoup de gens qu’il y a eu là, de la part du ministère, une tentative de pression sur les patrons marseillais, et aussi de surprise et d’escamotage. Quel pouvait être, en effet, l’état d’esprit de ces patrons, au moment où ils apprenaient par une voie indirecte que leurs délégués à Paris avaient définitivement accepté l’arbitrage ? Sans doute, ils savaient à quoi s’en tenir sur le mandat qu’ils avaient confié à ces derniers, et ils en connaissaient les limites. Ils connaissaient de plus le bon esprit et la prudence de MM. Féraud et Estier, et ils trouvaient là pour eux-mêmes une garantie très sérieuse. Mais enfin ils ne savaient rien de l’incident. Ils voyaient les ouvriers se réunir précipitamment et accepter l’arbitrage. C’était une mise en demeure qu’on leur adressait d’avoir à se prononcer, eux aussi, et sans retard. Le préfet, éperdu, les menaçait d’une responsabilité épouvantable, s’ils hésitaient à le faire affirmativement. On leur montrait d’une part la grève finie, le travail repris, la paix et la concorde restaurées dans Marseille, s’ils disaient oui ; de l’autre, la grève redoublant de violence, plusieurs autres corps de métier y prenant part, le désordre et la violence poussés à leur paroxysme, s’ils disaient non. N’est-ce pas sur cette manière insidieuse et impérative de poser la question qu’on avait compté pour en rendre la solution obligatoire dans un sens déterminé ? Il était clair que c’est ce que le gouvernement avait voulu. Voilà une première hypothèse ; elle vient de Paris. En voici une seconde ; elle vient de Marseille. Si, à Paris, nous connaissons nos ministres, à Marseille, on connaît M. Flaissières, et nombre de personnes le croient parfaitement capable d’avoir préféré mal comprendre le message de M. le ministre du Commerce. Remarquons que ce message ne lui est pas arrivé directement, mais par un fonctionnaire de la mairie ; de sorte que, s’il y a eu à Paris un premier intermédiaire entre le ministre et le téléphone, il y en a eu un second à Marseille entre le téléphone et le maire. Que d’intermédiaires et de circuits ! Comment reconnaître la vérité et où la saisir au milieu de tout cela ? On fait remarquer, à Marseille, que M. Flaissières est furieux contre le ministère et qu’il a juré de se venger de lui. Le motif de son mécontentement est le refus qu’a opposé M. Waldeck-Rousseau à sa demande d’audience. Oui, M. Flaissières avait demandé à M. Waldeck-Rousseau de le recevoir, et, du haut d’un balcon, il avait même annoncé à la foule, en l’invitant au calme et à la con-