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dernier rapport du consul de la Grande-Bretagne lui-même reconnaît que les moyens de débarquement sont aujourd’hui suffisans, et, quoique beaucoup d’améliorations soient encore souhaitables pour le bon aménagement du port, il est maintenant avéré que les critiques acrimonieuses de la presse anglaise, à une certaine époque, n’étaient pas exemptes d’exagérations voulues et intéressées. Si le mouvement du commerce de l’empire britannique à Lourenço-Marquès l’emporte encore beaucoup sur celui des autres États, il est curieux de remarquer, d’après le même rapport consulaire, que la concurrence étrangère menace cette suprématie. Le représentant de la Grande-Bretagne constate avec tristesse que le fret sur les bateaux de la compagnie allemande de l’Est africain est moins élevé que sur ceux des compagnies anglaises ; que, de plus en plus, les matériaux nécessaires à la construction des maisons viennent d’Allemagne ou d’Amérique à meilleur marché que des usines d’Angleterre. Malgré cette baisse légère, le commerce de l’empire britannique absorbe encore les deux tiers du total des échanges qui s’opèrent à Lourenço-Marquès. Quant au Portugal, sur 87 millions de francs (en 1897), sa part n’a été que de 7 millions, et son pavillon, dans un mouvement total de 505 navires jaugeant 1 032 543 tonnes (en 1898), n’a été représenté que dans des proportions insignifiantes.

Comme Lourenço-Marquès, Beïra est surtout riche du transit qui passe dans son port, dans ses entrepôts et sur son chemin de fer ; elle s’accroît très vite, grâce au rapide essor des possessions anglaises du Manica, du Machona et du moyen Zambèze dont elle est le débouché naturel. La baie de Beïra, formée par l’estuaire du Pongoué et du Busi, s’ouvre, large, profonde et bien abritée, au fond du golfe de Sofala, sur le canal de Mozambique, et en face des côtes de Madagascar. Plus jeune que Lourenço-Marquès, Beïra a déjà presque rattrapé son aînée : elle a son chemin de fer qui, par Fontesvila et Umtali, à la frontière portugaise, gagne Fort-Salisbury, la nouvelle capitale du Manica anglais, où affluent les trafiquans et les « prospecteurs » en quête d’une rapide fortune et où, très prochainement, passera le grand transafricain « du Cap au Caire. » La croissance de Beïra rappelle, toute proportion gardée, les « cités-champignons » du Nouveau Monde. C’est en 1891 seulement que, de simple fort qu’elle était, elle devint la capitale des territoires administrés par la