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révélaient qu’enfin les problèmes africains apparaissaient bien sous leur vrai jour et avec toute leur importance et leur répercussion « mondiale. » Ce n’était point la conquête de quelques territoires, ni l’extension, sur les cartes, de la couleur indicatrice des possessions françaises qui, cette fois, était en jeu, mais la domination du Nil et l’empire de l’Afrique. Une Afrique française étendant, la ligne de ses postes du golfe de Guinée et du Sénégal jusqu’au Nil, fortement appuyée sur la position capitale de Fachoda, donnant la main, sur l’autre rive du grand fleuve, à une Ethiopie libre et bien armée, et aboutissant enfin, sur l’Océan Indien, au grand port de Djibouti, tel était le plan, admirablement conçu, qui eût assuré à la France la prépondérance dans tout le Nord du continent noir. Une voie franco-éthiopienne de communications terrestres se serait allongée à travers le Soudan, d’un Océan à l’autre ; elle se serait liée, peut-être, par Mascate, Bender-Abbas et lierai, à l’empire russe d’Asie, brisant le cercle de fer qui entoure l’Océan Indien, enserre l’Ethiopie, menace Djibouti et Madagascar. C’en eut été fait du rêve de l’impérialisme britannique ; le Nil, par la force des choses, serait devenu ce qu’il sera fatalement un jour, à moins que le monde n’abdique devant l’Angleterre : la grande voie internationale de pénétration africaine.

M. André Lebon a récemment montré[1] comment l’instabilité de notre régime parlementaire ruina ces grandes espérances. Nous n’avons pas à reprendre après lui l’exposé lumineux qu’il a fait. Mais il n’est pas inutile d’insister sur le rôle de Ménélik dans les événemens qui se sont accomplis, dans le bassin du Nil, de 1896 à 1899.

C’est le bonheur de la France qu’à côté de l’action trop souvent, changeante et parfois insuffisante de son gouvernement et de ses représentais officiels, l’initiative ; hardie de ses enfans réussisse encore à faire briller sa gloire et à fonder son renom parmi les nations étrangères. En Ethiopie, des Français, parmi lesquels il serait injuste de ne pas citer MM. Chefneux et Mondon, avaient depuis longtemps su gagner les sympathies personnelles de Ménélik et faire servir l’estime où les tenait le souverain au mieux des intérêts de leur patrie. Dès 1894, M. Chefneux obtint du Négus la signature d’un traité de commerce et d’amitié qui fut amendé et modifié en 1895, mais que le

  1. La Mission Marchand et le Cabinet Méline (Revue du 15 mars 1900).