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gouvernement français négligea de ratifier. Survint Adoua qui ouvrit enfin tous les yeux et décida le gouvernement à envoyer, en mission officielle, auprès de Ménélik, M. Lagarde, gouverneur de nos établissemens de la côte des Somalis. Le 23 janvier 1897, M. Lagarde arriva à Harrar, y rencontra le ras Makonnen et signa avec lui, le 27, une convention pour la délimitation de la côte des Somalis ; puis, le 20 mars, il échangea enfin, à Addis-Ababa, avec Ménélik lui-même, les ratifications du traité de 1894-1895, dont les clauses sont restées secrètes.

Le voyage de M. Lagarde avait encore un autre objet : obtenir le libre passage et l’assistance du Négus pour deux missions françaises envoyées vers le Sobat et le Nil. Nous ne. saurions ici retracer en détail la marche de ces missions et leur échec final. Mais nous touchons à un point culminant de l’histoire de l’Afrique française et de nos rapports avec l’empire d’Ethiopie. Si les forces abyssines, secondant les missions françaises et convergeant avec elles vers le Nil, étaient parvenues à donner la main, par-dessus le grand fleuve, à la troupe héroïque du commandant Marchand, le cours des événemens en eût, sans doute, été modifié. Ménélik comprenait que sur le Nil se déciderait la question de savoir si, oui ou non, son empire deviendrait une enclave au milieu des possessions britanniques : il fit un grand effort pour atteindre les rives du fleuve et y établir son autorité. Son rôle, dans ces circonstances critiques, a été l’objet d’attaques peu justifiées ; il est nécessaire de montrer que ce n’est pas. un défaut de concours de sa part qui a décidé le gouvernement français à prescrire l’évacuation de Fachoda ; c’est le manque d’ensemble et de direction qui a paralysé l’effort des deux missions françaises envoyées de Djibouti vers le Nil.

Dès la fin de 1895, quand s’organisa la mission Marchand, le lieutenant de vaisseau Mizon s’offrit à conduire une expédition au-devant de lui, jusqu’au Nil, par Djibouti et les plateaux abyssins ; le gouvernement, d’après l’avis de M. Lagarde, s’adressa au capitaine Clochette, ancien officier de l’armée française, qui connaissait l’Ethiopie pour y avoir résidé depuis plusieurs années ; il fut chargé de se rendre à Addis-Ababa pour, ensuite, étudier les routes qui conduisent au Nil ; mais, laissé sans instructions et sans ressources. Clochette ne put ni marcher vers l’ouest, ni prendre sur lui d’accepter les offres de Ménélik qui proposait de lui donner les moyens d’atteindre le Nil ; il dut se